Si vous demandez à Yuan Tan si elle croit aux extraterrestres, elle rira, puis donnera une réponse raisonnée. Cet équilibre entre raison et fantaisie décrit parfaitement l’approche de l’étudiante en doctorat d’immunologie, propriétaire d’une boutique rétro, dans tous les aspects de sa vie, du choix de ses études à celui de ses vêtements.
La lauréate du prix Worton 2024 du chercheur en formation est une vedette dans son domaine, l’immunologie, et ses travaux sur la façon dont nous pouvons utiliser les cellules souches pour traiter la COVID-19, la grippe et la septicémie rapprochent des découvertes cruciales du chevet des patients.
Vous voulez savoir quelles sont les aspirations professionnelles de Yuan (au-delà du fait d’être une chercheuse primée) et quelle est sa réponse au sujet des extraterrestres? Poursuivez votre lecture pour ce faire.
Q: Parlez-nous un peu de votre enfance.
R : Je suis née en Chine et j’ai grandi à Pékin où j’ai vécu jusqu’à l’école intermédiaire. Ma famille a immigré au Canada après ma neuvième année, et j’ai terminé mes études secondaires à Toronto. Ma famille travaille dans le domaine des sciences de la vie : mon grand-père était chirurgien traumatologue, mon père est pharmacien et ma mère est infirmière. Toute la famille est dans le domaine de la biologie et de la médecine.
Pour ce qui est des loisirs, je viens d’une famille chinoise très typique; je pense que cela fait partie de la culture d’avoir beaucoup de pression pour apprendre. Ma mère m’a donc fait suivre de nombreux cours pour couvrir toutes mes bases et voir ce qui m’intéressait. J’ai également appris à jouer du piano; j’ai pris des cours de danser et appris la calligraphie chinoise.
Q: Que vouliez-vous faire quand vous serez grande?
R : Je voulais vraiment devenir astronaute, et je le veux toujours. Mon grand-père m’emmenait toujours au musée des sciences et au planétarium, et j’ai toujours souhaité aller dans l’espace. Cela m’émerveillait.
En poursuivant mes études, j’ai été davantage attirée par la biologie. Je pense que mes antécédents familiaux m’ont donné un intérêt naturel pour cette discipline. Mais l’astronomie et la biologie ont quelque chose en commun : il s’agit de l’inconnu et du connu. Nous savons beaucoup de choses sur la biologie et la planète, mais nous n’en savons pas beaucoup non plus.
J’ai posé ma candidature au programme SpaceX, qui vise à envoyer des civils dans l’espace, et bien que je n’aie pas été sélectionnée, j’ai toujours à l’esprit l’idée de voyager un jour dans l’espace. J’en rêve. Le type de cellules que j’étudie a également été cultivé dans la Station spatiale internationale, et je pense qu’il serait intéressant d’étudier la biologie au-delà de la Terre ou en apesanteur.
Q: Comment êtes-vous devenue chercheuse dans le domaine de l’immunologie et de la thérapie cellulaire?
R : Pendant la dernière année de mes études secondaires, mes notes montraient que je comprenais relativement bien la biologie par rapport à d’autres matières. J’ai posé ma candidature à l’Université de Toronto pour un programme très général en sciences de la vie, et l’un des sujets abordés était l’immunologie. C’est ce qui a éveillé mon intérêt, l’idée que le corps humain essaie de se défendre. La plupart du temps, il parvient à se défendre et à faire ce qu’il faut, mais parfois il se dérègle et le corps s’effondre.
Pour ma maîtrise, j’ai trouvé le Dr Lisheng Wang de l’Université d’Ottawa comme superviseur. Mon sujet portait sur l’immunologie des greffes de cellules souches, mais le travail était très moléculaire. J’ai cherché à savoir quelle signalisation se produit dans les cellules immunitaires qui déclenche le rejet d’une greffe d’organe. J’ai adoré ce travail, mais je ne savais pas quoi faire ensuite.
Le laboratoire du Dr Wang était purement biologique, et je voulais faire quelque chose où je pourrais voir l’impact sur les patients. C’est alors que j’ai vu une offre d’emploi pour le laboratoire des Drs Duncan Stewart et Shirley Mei à L’Hôpital d’Ottawa concernant le développement d’un test pour un essai clinique de thérapie par cellules souches pour les patients souffrant d’un choc septique. Un essai est un test de la qualité et de l’activité des cellules avant qu’elles ne soient administrées aux patients. Ils avaient besoin d’une personne ayant des connaissances en immunologie et en cellules souches. Je me suis dit : « Oh, je peux faire ça! ». Une fois dans ce domaine, j’ai décidé de poursuivre mon doctorat sous la direction des Drs Stewart et Mei.
Q: Parlez-nous de votre recherche actuelle qui vous a valu le prix Worton du chercheur en formation.
R : J’étudie la thérapie par cellules souches mésenchymateuses (CSM). Les CSM se trouvent d’abord dans la moelle osseuse et contribuent au développement du système immunitaire. Lorsque j’ai commencé, je m’intéressais à la septicémie. Mais trois mois plus tard, la COVID est survenue. La COVID provoque quelque chose de similaire à la septicémie, et nous avons donc rapidement commencé à étudier les infections virales graves.
Nous utilisons des CSM vivantes qui peuvent s’adapter à leur environnement. Nous ne savions pas comment ces cellules détectaient ce qui les entourait lorsqu’elles étaient placées dans un environnement. Nous les avons donc placées dans différents contextes pathologiques : COVID-19, grippe ou septicémie. Nous avons prélevé des échantillons de sang sur des patients de l’Unité des soins intensifs atteints de la COVID-19, de la grippe ou ayant une septicémie, puis nous avons ajouté des cellules souches au sang et nous avons observé ce qui changeait dans les cellules souches et les échantillons de sang. Notre hypothèse est que nous pouvons exploiter les fonctions sensorielles de ces CSM pour améliorer les résultats des patients.
Q: Comment ces travaux de recherche peuvent-ils aider les patients à L’Hôpital d’Ottawa?
R : La recherche sur les CSM se poursuit depuis des décennies. Je souhaite que ces recherches aboutissent à un traitement de la septicémie grave, mais les essais cliniques n’ont pas toujours donné de résultats cohérents. Cette incohérence peut être due à un large éventail de raisons, y compris la nécessité de poursuivre les recherches sur le comportement des CSM dans des conditions pathologiques spécifiques. Si nous parvenons à réduire ce manque de cohérence, nous pourrons transformer les CSM en un véritable produit et l’appliquer plus rapidement au traitement des patients.
Q: Que fait L’Hôpital d’Ottawa dans votre domaine qui est palpitant ou révolutionnaire?
R : L’Hôpital d’Ottawa accomplit un travail remarquable en faisant le lien entre la recherche et les soins aux patients. Je connais tellement de stagiaires et d’amis qui font des travaux intéressants, et l’Hôpital s’efforce de traduire ces travaux en impact sur les patients. J’ai également accès à toutes les nouvelles technologies pour soutenir ma recherche. Comme il y aura toujours de nouveaux instruments, il est important de disposer de l’infrastructure nécessaire. L’Hôpital nous permet également de collaborer avec des équipes multidisciplinaires : il y a des scientifiques, des chercheurs fondamentaux, des cliniciens; c’est un environnement qui soutient vraiment le prochain niveau d’application.
Q: Que représente pour vous le fait d’avoir obtenu le prix Worton du chercheur en formation?
R : Je suis très honorée et heureuse de recevoir ce prix. C’est un encouragement et une reconnaissance. Cela me motive à poursuivre ma carrière. Je connais beaucoup de gens qui font de la recherche révolutionnaire à L’Hôpital d’Ottawa; cela me pousse vraiment à aller de l’avant.
Q: Où peut-on vous trouver quand vous ne vous consacrez pas à vos travaux de recherche?
R : Je suis toujours à la recherche de nouveaux aliments. Il y a un magasin familial près de la rue Preston qui s’appelle K, LET’S EAT, et puis il y a Pizza Nerds, Corner Peach, Chesterfield’s Gastro Diner, Sharpfle Waffle, Paper Tiger… ce sont quelques-uns de mes préférés en ce moment.
J’ai également lancé une boutique rétro en ligne; j’essaie de ne pas surconsommer. Je pense qu’il est bon d’apporter un peu de bizarrerie à sa mode, et j’aime donc les friperies et les trouvailles rétro comme moyen de faire du magasinage de manière plus unique et durable.
Dès que j’en ai le temps, je voyage. J’essaie de faire un ou deux voyages par an, de découvrir de nouvelles cultures, de rencontrer de nouvelles personnes. Partout où je voyage, il y a toujours des gens très gentils. C’est en Bolivie que j’ai vu un paysage à couper le souffle : les salines. Ensuite, j’ai visité le Machu Picchu, un voyage qui faisait partie de ma liste de choses à faire. Je suis également allée en Égypte voir les pyramides et savoir si elles ont vraiment été construites par des extraterrestres.
Q: Croyez-vous aux extraterrestres?
R : Je crois aux extraterrestres. La galaxie est si grande que nous ne l’avons même pas encore cartographiée. J’ai du mal à croire que nous sommes seuls dans toute la galaxie. Il y a deux possibilités : la technologie est tellement avancée qu’ils pourraient nous observer, mais nous ne pouvons pas les détecter, ou il pourrait y avoir de la vie à un stade précoce quelque part, et ils n’ont donc pas la technologie pour nous atteindre… c’est ma théorie.