
Les enfants du Dr Shane English ne le considèrent peut-être pas comme un vrai médecin, mais les experts ne partagent pas cet avis.
Le scientifique chevronné de L’Hôpital d’Ottawa a remporté le prix Dr Michel Chrétien du chercheur de l’année de 2025 pour ses recherches révolutionnaires sur l’hémorragie méningée, une forme dévastatrice d’accident vasculaire cérébral aux effets bouleversants pour la vie des patients et aux coûts élevés pour le système de santé. Qu’il fournisse des soins intensifs au chevet des patients ou qu’il transforme la façon dont ces soins sont donnés grâce à ses recherches, le Dr English révolutionne notre compréhension de ce problème de santé afin d’améliorer les résultats pour les patients.
Découvrez si l’étude du Dr English a confirmé son hypothèse, comment elle affecte les patients aujourd’hui, et quelle est son « activité secondaire » grâce à ses enfants.
Q : Pouvez-vous nous parler un peu de votre enfance?
R : Mon père était banquier, donc j’ai vécu dans plusieurs endroits différents. J’ai passé mes années de formation dans la vallée de l’Outaouais, j’ai déménagé à Sudbury avant le secondaire, puis j’ai fini par aller à l’Université Laurentienne pour étudier la biochimie.
J’ai toujours été attiré par les sciences et les mathématiques, et l’anglais était la matière que je détestais le plus, avec l’histoire et la géographie – c’est un peu difficile à dire.
Q : Que vouliez-vous devenir en grandissant?
R : Je me souviens avoir voulu être vétérinaire à un moment donné. Mais j’ai aussi pensé que je pourrais être avocat, puis pilote. En fait, je ferais bien l’un ou l’autre de ces métiers si j’en avais l’occasion.
Q : Quand avez-vous décidé de vous orienter vers la médecine?
R : Des circonstances de la vie, notamment des interactions de membres de ma famille avec le système de santé, m’ont amené à rendre visite à des personnes à l’hôpital dès mon plus jeune âge, et j’ai toujours été intrigué par cet environnement. D’aussi loin que je me souvienne, devenir médecin est devenu un objectif très important dans ma vie.
À la fin de mes études de premier cycle, je suis retourné dans la région d’Ottawa pour entrer à la faculté de médecine de l’Université d’Ottawa.
Q : Comment vous êtes-vous retrouvé dans les soins intensifs en particulier?
R : Pendant mes études universitaires, j’ai fait du bénévolat à l’hôpital local de Sudbury et j’ai passé beaucoup de temps au service des urgences, et cette expérience a éveillé ma passion.
C’était difficile, car toutes les matières que j’ai étudiées à la faculté de médecine et tous les stages que j’ai effectués m’ont donné envie de faire ce métier. Mais les soins intensifs ont répondu à mon intérêt pour les patients gravement malades et à la nécessité d’intervenir rapidement dans ces situations. J’ai adoré la façon dont les soins intensifs répondaient à la complexité des maladies touchant plusieurs organes et plusieurs systèmes, la manière dont divers systèmes entraient en jeu et la continuité accrue avec les patients que cela impliquait.

J’ai également effectué un stage optionnel précoce dans une unité de soins intensifs où l’on pratiquait toutes sortes de choses uniques et ingénieuses qui sortaient vraiment des sentiers battus, et je me suis pris de passion pour ce domaine. J’ai suivi une formation en soins neurocritiques à Cambridge, au Royaume-Uni, afin de me perfectionner dans le volet clinique et celui de la recherche.
Q : Quand avez-vous commencé à allier la recherche et votre travail clinique?
« Il existe d’autres moyens d’influencer les soins fournis aux patients que le simple fait d’être à leur chevet. »
— Dr Shane English
R : C’était en fait un pur hasard. Pendant ma formation, je vous aurais avoué que je ne voulais absolument pas faire de recherche. Mais j’ai eu une première mentore pendant ma formation en soins intensifs, la Dre Lauralyn McIntyre, qui a vu mon potentiel et m’a encouragé à participer à un projet. Il s’agissait d’une revue systématique, et elle m’a guidé tout au long du processus, de la mise en place à la publication, en passant par la présentation lors d’une conférence. Cela m’a demandé beaucoup de travail, mais la récompense finale en valait la peine. Cela m’a montré qu’il existe d’autres moyens d’influencer les soins fournis aux patients que le simple fait d’être à leur chevet.
Petit à petit, je me suis impliqué davantage et je me suis pris de passion pour ce rôle si important à jouer.
Q : Avez-vous des forces ou des peurs particulières?
R : Je ne suis pas quelqu’un qui prend beaucoup de risques, mais je n’aime pas être laissé pour compte. C’est un drôle de contraste, mais cela me donne la force de faire les choses qui me font peur. Par exemple, j’ai très peur des hauteurs, mais j’adore les montagnes russes, et j’ai eu l’occasion de faire un peu d’escalade – je n’ai simplement pas regardé en bas!
Q : Sur quoi portent exactement vos recherches?
R : Mes recherches les plus récentes étaient un essai clinique à grande échelle publié l’année dernière dans le New England Journal of Medicine, intitulé « Essai contrôlé randomisé SAHARA ». Elles portaient sur un processus pathologique très spécifique appelé hémorragie méningée, principalement due à la rupture d’un anévrisme, qui provoque une fuite de sang dans le cerveau. La plupart des AVC sont des AVC ischémiques, causés par une obstruction de l’apport sanguin au cerveau, ce qui est très différent.
L’hémorragie méningée est mon domaine de prédilection depuis près de 15 ans, et je trouve cela gratifiant pour plusieurs raisons : les personnes touchées sont généralement beaucoup plus jeunes que les patients victimes d’un AVC classique, elles ne présentent généralement pas les mêmes comorbidités que les autres patients victimes d’un AVC, et elles sont victimes sans avertissement d’un événement cataclysmique qui bouleverse le reste de leur vie en quelques secondes. Parmi les deux tiers qui survivent, beaucoup passent souvent par une période de soins intensifs très compliquée à l’hôpital et une convalescence qui dure des mois, voire des années, et ils se retrouvent souvent avec des handicaps physiques ou cognitifs importants. Nos recherches ont porté sur la meilleure façon de gérer les faibles taux d’hémoglobine chez ce groupe de patients. Nous avons divisé les participants en deux groupes : pour l’un, nous avons été très généreux en transfusions sanguines, tandis que pour l’autre, nous avons été plus restrictifs.
Les données antérieures suggéraient que la norme de soins consistait à laisser le taux sanguin baisser considérablement avant de procéder à une transfusion, qui comporte ses propres risques. Nous avons remis en question cette notion en émettant l’hypothèse qu’une transfusion précoce pourrait donner de meilleurs résultats. À l’issue de cet essai international multicentrique de longue durée, nous n’avons pas démontré qu’une approche était meilleure que l’autre. Cependant, les résultats suggéraient un bénéfice potentiel à 12 mois avec une approche libérale, mais nous n’avons pas obtenu de signification statistique pour démontrer cet effet. Toutefois, deux autres essais ont été menés en même temps, tous deux avec des résultats similaires aux nôtres, suggérant que les transfusions libérales pourraient être bénéfiques.
Je pense que beaucoup verraient nos résultats et supposeraient que notre hypothèse était incorrecte ou que nous avons échoué, mais je pense que la beauté de la recherche réside dans le fait qu’aucune étude ne peut à elle seule répondre à une question. Chaque étude va élargir notre réflexion sur un sujet. Ensemble, les trois essais suggèrent que notre hypothèse pourrait, en fait, être correcte.

Q : Comment vos recherches bénéficient-elles aux patients aujourd’hui?
R : Ma propre interprétation de l’étude est que j’ai personnellement modifié ma pratique pour être plus libéral avec les transfusions.
Dans l’ensemble, mes recherches portent souvent sur des choses que nous faisons déjà au quotidien. Nous prenons ces questions quotidiennes et leur appliquons une rigueur scientifique afin de fournir les meilleurs conseils pour améliorer les résultats pour les patients.
« Le leadership, l’empathie et la rigueur scientifique du Dr English contribuent à façonner un avenir dans lequel les personnes comme moi, qui ont subi le traumatisme d’une rupture d’anévrisme cérébral, ne seront plus laissées sans réponses ni conseils. Son travail a le pouvoir d’influencer la manière dont la science mondiale aborde la mesure des résultats, d’améliorer la comparabilité et la qualité des études futures, et en fin de compte, de déboucher sur des options de traitement et un soutien plus pertinents pour les survivants. »
— Dre Leslie Miller
Q : Comment L’Hôpital d’Ottawa repousse-t-il les limites des soins de santé?
R : Je pense qu’en tant qu’institution, nous devrions être vraiment fiers de l’empreinte que nous avons laissée dans le domaine de la médecine clinique. Pour un centre universitaire situé dans une « petite ville », comparé à beaucoup d’autres, nous jouons dans la cour des grands, et en tant que chercheur et clinicien, je suis fier d’être associé à l’Hôpital et au travail que nous accomplissons, qui va de la science fondamentale à la médecine clinique et des soins aigus aux soins chroniques. Le travail que nous accomplissons, qu’il porte sur les cellules souches ou sur l’immunothérapie, et la manière dont les équipes scientifiques améliorent les soins aux patients, est significatif et a un effet réel.
Q : Que ressentez-vous après avoir remporté ce prix?
R : C’est à la fois un honneur et une grande leçon d’humilité que de recevoir ce prix. Tout le succès que j’ai pu obtenir, je le dois vraiment aux personnes qui m’ont aidé à en arriver là; nul ne peut y parvenir seul. Sans mes mentors, mon équipe et, bien sûr, les patients, nous ne pourrions jamais faire avancer la science. C’est la cerise sur le gâteau pour cette recherche, et c’est très inattendu.
« Shane incarne les qualités que ce prix cherche à récompenser grâce à ses recherches révolutionnaires et à son engagement sans faille en faveur du progrès de la science médicale. »
— Dr Marc Carrier
Q : Qu’est-ce que votre famille pourrait ignorer à propos de votre travail?
R : Eh bien, mes enfants ne pensent pas que ma femme et moi sommes médecins, mais nous le sommes tous les deux. Nous avons quatre enfants, donc notre foyer est plutôt animé, et s’ils se blessent, ils demandent à voir un vrai médecin. Je pense qu’ils ne croient vraiment pas que nous le sommes, mais je ne sais pas exactement ce qu’ils pensent que nous faisons toute la journée.

Q : Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre journée de travail?
A: It’s the interactions. The team within which I work, whether it’s research or clinical, really makes the job fun and fulfilling. And I value the relationships I create with patients and their families so much.
Q : Comment occupez-vous votre temps libre?
R : Je cours après mes enfants. Je suis leur chauffeur – quasiment un 2e travail à temps plein, mais sans aucune rémunération. Ils ont maintenant entre 10 et 15 ans, et on en a parcouru des kilomètres. Mais ce n’est pas plus mal, vu que c’est du temps de qualité passé avec eux.

