Publié : octobre 2022
Dre Joanna Gotfrit, oncologue médicale à L’Hôpital d’Ottawa.
Dre Jenny Jin, radio-oncologue à L’Hôpital d’Ottawa.
Dre Rebecca Auer, Vice-présidente exécutive, Recherche et Innovation à l’Hôpital d’Ottawa et PDG et directrice scientifique à l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa
Un cas de cancer colorectal peu courant
Pour la Dre Gotfrit, ce dont elle se souvient le mieux du cas peu commun de Haydn, c’est qu’il devançait de dizaines d’années la majorité des patients avec un tel diagnostic. « Que le patient soit très jeune ou aîné, lui annoncer une mauvaise nouvelle n’est jamais facile. Mais l’exercice est un peu plus délicat quand il s’agit d’un patient aussi jeune. Cela bouleverse sa vie, peu importe le dénouement », explique la Dre Gotfrit.La Dre Auer se rappelle son grand désarroi lorsqu’elle est sortie de la salle d’examen au terme de sa première rencontre avec Haydn, en pensant à la vie de ce jeune homme, à son avenir et au diagnostic auquel il était confronté. Le schéma thérapeutique habituel consistait en des traitements de radiothérapie et de chimiothérapie, en plus d’une intervention chirurgicale, qui auraient tous un impact sur sa vie. Il deviendra sans doute stérile et devra utiliser une sac de stomie à vie, sans parler du risque de récidive de son cancer. « Ce n’était pas chose facile, mais le fait d’avoir accès à des soins à la fine pointe de la technologie nous a permis de rapidement faire preuve de créativité. J’ai appelé les Dres Gotfrit et Jin, et nous avons décidé de faire des tests moléculaires de sa tumeur », précise la Dre Auer.
« Nous savions qu’il y avait de fortes probabilités de trouver de rares altérations moléculaires dans sa tumeur susceptibles d’élargir nos possibilités de traitement pour lui ».
Le combat de sa vie
Alors que Haydn et sa famille acceptaient le diagnostic, pris dans un tourbillon de tests et de rendez-vous, ils ont trouvé une constante en la personne de Mary Farnand, son infirmière pivot.
« C’est une période très difficile dans sa vie. Notre rôle est de lui apporter de la clarté et un soutien moral ».
Haydn et Mary Farnand au Déjeuner du PDG pour L’Hôpital d’Ottawa.
Photo par Ashley Fraser.
Haydn affirme catégoriquement qu’il n’y serait pas parvenu sans elle. « Elle a été d’une aide immense et d’une telle gentillesse tout au long du processus. Je me rappelle que de nombreuses personnes m’ont rapidement contacté et je me suis senti quelque peu submergé. Mais Mary était toujours là, disposée à m’aider à décider quoi faire par la suite. Elle a été ma source de soutien continu ».
Un soutien qui ne fera pas défaut alors que l’équipe soignante de Haydn avait acquis une meilleure idée du genre de tumeur dont il était atteint.
Quand faut-il passer le test de dépistage du cancer colorectal?
Les personnes qui ont un risque moyen de faire un cancer du côlon devraient commencer à se faire dépister régulièrement dès l’âge de 50 ans. Pour les personnes à risque plus élevé (en raison d’antécédents familiaux, d’antécédents personnels de maladie inflammatoire chronique de l’intestin, ou d’autres facteurs de risque), il est recommandé de se faire dépister plus tôt ou plus souvent.
Parmi les signes précurseurs du cancer du côlon, mentionnons des changements persistants au niveau des habitudes intestinales (diarrhée ou constipation inhabituelle), des saignements rectaux ou du sang dans les selles, des douleurs abdominales constantes, une sensation de selles incomplètes, une sensation de faiblesse ou de fatigue, et/ou un amaigrissement inexpliqué. Si l’un de ces symptômes apparaît seul, ou avec d’autres, et s’installe dans la durée, il est recommandé de consulter un médecin.
Le rôle crucial du laboratoire de diagnostic en oncologie moléculaire
Grâce à d’autres tests, l’équipe soignante a pu prévoir le meilleur parcours thérapeutique pour le jeune homme. Certains ont été réalisés au laboratoire de diagnostic en oncologie moléculaire de L’Hôpital d’Ottawa, le premier du genre à Ottawa.
Le laboratoire, financé par des dons, a révolutionné le diagnostic et le traitement du cancer en permettant aux professionnels de la santé d’analyser les défauts génétiques de cellules tumorales et d’adapter les traitements au type de cancer de chaque patient. En cernant ainsi quels médicaments seront mieux adaptés à la maladie d’un patient donné, cela contribue à améliorer la qualité des soins aux personnes atteintes du cancer.
Grâce aux recherches menées dans le laboratoire, les patients ont accès, en primeur, aux derniers traitements expérimentaux contre le cancer. Il s’agit du troisième laboratoire du genre au Canada à recourir à la technologie d’analyse génétique la plus sophistiquée – le séquençage de nouvelle génération – pour analyser les caractéristiques à partir de plus grands groupes de gènes ou de protéines. La finalité est d’améliorer le dépistage du cancer et la lutte contre cette maladie au moyen de traitements davantage précis et personnalisés.
Haydn et Dre Auer au Déjeuner du PDG pour L’Hôpital d’Ottawa.
Photo par Ashley Fraser.
« Haydn a bénéficié de ce traitement de pointe près d’une année avant qu’il ne soit connu à grande échelle. Et cela, grâce à notre équipe très bien informée et courageuse qui a fait preuve de créativité face à un jeune homme de 22 ans atteint d’un cancer ».
Les tests ont aussi montré que Haydn était atteint du syndrome de Lynch, une prédisposition héréditaire qui augmente les risques d’avoir certains cancers, notamment un cancer colorectal. Les résultats ont fourni des renseignements précieux qui ont aidé son équipe soignante à élaborer un traitement adapté à son cas particulier. Selon ses médecins, l’immunothérapie donnerait à Haydn la meilleure chance de vivre longtemps et en bonne santé.
L’espoir de l’immunothérapie
Lorsque Haydn a pris connaissance de cette alternative aux soins habituellement fournis, il oscillait entre l’allégresse et la nervosité. « S’il est vrai que j’étais nerveux à l’idée d’essayer quelque d’aussi nouveau et futuriste, j’étais aussi enthousiaste de savoir que l’immunothérapie me donnait de l’espoir. Ma famille et moi avons une totale confiance en mes médecins, sachant qu’elles pourraient avoir accès à ce traitement qui s’était avéré très prometteur lors d’études préliminaires », confie Haydn.« Ma tumeur avait quasiment diminué de moitié. C’était incroyable ».
Le 21 avril 2021, Haydn a commencé son traitement d’immunothérapie et, au bout d’un mois, tous ses symptômes avaient disparu. Plus de sang dans ses selles, plus aucune douleur, il avait retrouvé son énergie et ne perdait plus de poids.
Qu’est-ce que l’immunothérapie?
L’immunothérapie du cancer, aussi appelée immuno-oncologie, permet de renforcer le système immunitaire des patients de sorte qu’ils puissent combattre leur cancer. L’immunothérapie « enseigne » au système immunitaire à reconnaître et à détruire les cellules cancéreuses, en renforçant les cellules immunitaires pour combattre le cancer et aider l’organisme à augmenter sa réponse immunitaire d’autres manières. Il existe de très nombreuses formes d’immunothérapie du cancer, et tout autant de méthodes d’administration, parmi lesquelles des thérapies ciblées ayant recours à des anticorps, des vaccins, des transferts de cellules, des virothérapies, pour ne citer que quelques exemples. L’immunothérapie du cancer est une biothérapie qui peut être utilisée seule ou avec d’autres traitements, comme une chirurgie, une chimiothérapie ou une radiothérapie.
En août, une lourde intervention chirurgicale était programmée pour enlever ce qu’il pouvait rester de la tumeur et des ganglions lymphatiques tout autour. Haydn a également subi une intervention communément appelée « réservoir en J » consistant à retirer son côlon pour tenter d’éliminer tout risque futur de cancer, tout en lui permettant de vivre normalement sans sac de stomie. C’est au cours de cette intervention chirurgicale que la Dre Auer a fait une incroyable découverte : il n’y avait plus aucune trace de cancer. « Cela a été un moment exaltant. En repensant au jour où je l’avais rencontré, j’étais alors convaincue qu’il allait me briser le cœur, mais nous étions face à un dénouement époustouflant. Ce jeune homme pouvait de nouveau forger des projets d’avenir! », s’exclame la Dre Auer.
Une fois le réservoir J cicatrisé, Haydn a dû subir une nouvelle opération en novembre 2021, effectuée cette fois-ci par le Dr Shaheer Tadros et la Dre Auer pour retirer la stomie provisoire et terminer la procédure préalable. Haydn allait bientôt pouvoir se réaccaparer sa vie.
Comment se déroule la création d’un réservoir en J?
AVANT LA CHIRURGIE
- Le côlon et le rectum sont en place
- Le patient souffre de symptômes
PENDANT LA CHIRURGIE
- Le côlon et le rectum sont retirés
- L’intestin grêle est utilisé pour former une réservoir en « J » qui sera ensuite reliée au sphincter anal
- Sac de stomie installé pendant la chirurgie pour faciliter la guérison du réservoir
DEUXIÈME INTERVENTION
- Retrait de la stomie provisoire
- APRÈS LA CHIRURGIE – Le réservoir en J et l’anus fonctionnent normalement.
Le rôle de la recherche dans la modification du parcours thérapeutique des patients cancéreux
Lorsque confrontés à des cas complexes de cancer, nos spécialistes en oncologie ne se limitent pas aux soins habituellement prodigués. Connaissant l’impact que cela aurait à long terme sur la vie de Haydn, ils ont plutôt redoublé d’efforts pour lui proposer une autre option accompagnée d’une meilleure qualité de vie à long terme — un traitement d’immunothérapie.
Il y a quelques années à peine, Haydn ne se serait jamais intéressé à la recherche, et encore moins à la recherche contre le cancer. Il a bien changé depuis. « Il y a tant de progrès réalisés chaque année dans ce domaine, en particulier lors d’essais cliniques, et c’est très palpitant. Je pense que de nombreuses personnes entendent parler d’essais cliniques, moi compris quand j’étais en traitement, et sont assez hésitantes à y participer. Mais la plupart du temps, il est question de la plus récente et sans doute, de la meilleure thérapie; la recherche a donc une importance cruciale ».
L’avenir lui appartient
À peine quelques mois se sont écoulés depuis la seconde intervention chirurgicale de Haydn que déjà il commence à se sentir comme avant. Il a recommencé à faire de l’exercice et à prendre du poids. Il a fait d’énormes progrès en très peu de temps depuis son effroyable diagnostic.
« J’ai aussi pris conscience de la chance que j’avais de pouvoir compter sur L’Hôpital d’Ottawa et son équipe de médecins qui ne se sont pas limités aux traitements classiques, et qui ont fait preuve de créativité pour me donner la meilleure qualité de vie possible ».
Bien que Haydn habite aujourd’hui à Toronto et fasse des études de droit, il trouve toujours le temps d’aller frapper dans un ballon rond pour se distraire. Le sourire aux lèvres, il affirme que le soccer ne fait pas encore partie de son passé. Il a maintenant tout le temps de prendre une telle décision.
La vidéo est uniquement disponible en anglais.