De clinicienne à chercheuse puis à administratrice, la carrière de la Dre Melissa Forgie touche à quasiment tous les secteurs de la santé. Elle a traité des patients, mené des recherches axées sur l’innovation pratique et, aujourd’hui, à la vice-présidence de la Formation médicale à L’Hôpital d’Ottawa, la Dre Forgie façonne la prochaine génération de professionnels de la santé.
Titulaire d’un diplôme de docteure en médecine de L’Université d’Ottawa, de deux certifications dans un domaine de spécialité (médecine interne et hématologie) du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, d’une surspécialisation en maladies thromboemboliques et d’une maîtrise en épidémiologie clinique, la Dre Forgie a rejoint L’Hôpital d’Ottawa en 1995, d’abord comme médecin consultante, puis à titre de chercheuse clinicienne faisant de la recherche sur les thromboses, lorsque des caillots de sang obstruent des veines ou des artères.
La Dre Forgie prend le temps de nous parler de la façon dont s’est forgée sa carrière après qu’elle soit « tombée amoureuse » de la médecine interne, mais aussi de son congé de maternité, et de l’espoir de débouchés palpitants grâce à la construction du nouveau campus de L’Hôpital d’Ottawa.
Q : Pouvez-nous nous parler un peu de votre enfance et de l’endroit où vous avez grandi?
R : Je suis née à Washington, dans le district fédéral de Columbia, d’un père écossais et d’une mère britannique. À ma naissance, mon père était médecin militaire à l’Hôpital général Walter Reed, mais j’ai passé mon enfance à bien des endroits. J’ai fait mes années de formation en Allemagne, mais j’étais citoyenne canadienne une fois à l’école élémentaire. J’ai été certes bercée par toutes les traditions écossaises : j’aime la cornemuse et le gruau, et je porte le tartan familial.
Q : Pourquoi avez-vous choisi la médecine?
« C’est ce que j’ai toujours rêvé de faire. Dès que j’ai prononcé mes premiers mots, j’ai su que je voulais être médecin ».
— Dre Melissa Forgie
R : Mon grand-père était médecin; je suis donc la troisième génération de Dr Forgie. Les souvenirs les plus marquants que je garde de mon enfance sont ceux où j’accompagnais mon père lors de ses visites de maladies en Allemagne à l’hôpital militaire où il travaillait. Je vais sans doute vous sembler très intello, mais je me revois assise en Allemagne, un casque sur les oreilles, écoutant de la musique classique et lisant les revues médicales de mon père. Le soir pour m’endormir, il me parlait des parties de l’œil. J’ai toujours beaucoup aimé tout ce qui touche à la médecine.
Q : Pourquoi avez-vous choisi de vous spécialiser en médecine interne et en hématologie?
R : Pour ce qui est de la médecine interne, j’étais en troisième année de médecine à l’Université d’Ottawa, à l’époque où il était acceptable de mettre un étudiant dans l’embarras lors de son initiation. Je me souviens qu’un membre du personnel m’a poussée dans une salle au Civic et m’a dit, « Tu as deux minutes pour poser un diagnostic ». Un tel comportement serait de nos jours tout à fait inacceptable avec un étudiant en médecine; fort heureusement, j’ai réussi à poser un diagnostic, et le reste est de l’histoire ancienne. J’ai quand même bien aimé le défi lié au fait que personne ne savait ce qui se passait, ainsi que les maladies et les pathologies multisystémiques, et c’est pour cette raison que je me suis orientée vers cette discipline.
Puis, l’hématologie a intéressé la mordue de sciences que je suis. C’est un domaine où le laboratoire et la science fondamentale se rencontrent au chevet du patient. Vous examinez les fondements moléculaires des maladies dont sont atteints les patients.
Q : Comment se sont passées vos premières années d’exercice?
R : J’ai commencé à exercer pendant une période très grisante, stimulante et passionnante vers le milieu ou la fin des années 1990; nous faisions littéralement de la recherche axée sur l’innovation. C’était les balbutiements de la recherche sur la thrombose. J’ai été la première à avoir suivi une surspécialisation en thrombose à Ottawa à l’âge des ténèbres, alors qu’aujourd’hui, nous avons le plus important programme de surspécialisation en thrombose au monde.
Il y avait certes des plafonds de verre. J’ai été la première femme au Canada ayant obtenu, au cours de sa carrière, une subvention de recherche du Conseil de recherches médicales à prendre un congé de maternité. À l’époque, il n’y avait pas de politique sur le congé de maternité. Il m’a fallu mener d’âpres combats afin d’obtenir l’application de telles politiques.
Les temps étaient difficiles mais très intéressants.
Q : Comment vous êtes-vous retrouvée à faire de la formation médicale?
R : J’aimais beaucoup faire de la recherche; cela remonte à la fin des années 1990. Le métier de chercheuse principale s’accompagnait à l’époque de devoir parcourir le monde entier, et c’est ainsi que j’ai obtenu des subventions, en faisant des présentations publiques et en assistant à des réunions de chercheurs.
Je me souviens précisément du moment où j’ai pris conscience que je ne pouvais pas continuer ainsi. J’attendais mon deuxième enfant; en pleine tempête de neige, je conduisais depuis un aéroport pour me rendre à une réunion de chercheurs, et je me suis tout simplement dit, « Je ne peux pas continuer ainsi. Je suis triste et loin de ma fille ».
J’ai donc pris la difficile décision de quitter mon poste de chercheuse clinicienne. J’enseignais déjà un peu à l’époque, j’assumais donc à la fois des fonctions pédagogiques et administratives, et cela a été un point de départ dans mon choix de faire de la formation médicale et de mener une action en faveur des apprenants. Le reste fait partie du passé. Au fur et à mesure j’ai gravi les échelons de la formation médicale; mon emploi actuel de vice-doyenne principale et vice-présidente de la Formation médicale est incontestablement le meilleur emploi au monde. Il est possible de prôner en faveur de tous les apprenants et d’être un vecteur de changement.
Il existe un lien concret entre le milieu d’apprentissage et les résultats des patients. Sur le ton de la plaisanterie, nous disons que les spécialistes ne sont pas des médecins pleinement qualifiés quand ils sortent du ventre de leur mère. Ils doivent suivre tout un processus, et nous savons que meilleur est le milieu d’apprentissage, et meilleurs seront les médecins.
Tout se résume à ma plus grande force motrice, à savoir les patients.
« Les soins cliniques s’occupent aujourd’hui des patients; la formation s’occupe des patients à l’avenir ».
— Dre Melissa Forgie
Q : Comment L’Hôpital d’Ottawa se distingue-t-il sur la scène internationale?
R : Je peux principalement parler de mes propres domaines niches, à savoir les maladies thrombotiques et la formation médicale.
À mes débuts, j’ai suivi un cours à Harvard juste avant de passer mes examens du Collège royal, et quand je suis arrivée, ils m’ont dit, « Vous êtes d’Ottawa; vous êtes l’un de ces « vachers » traitant les patients ayant fait une embolie pulmonaire comme des patients externes! ».
Encore aujourd’hui, lorsque nous voyageons en tant que spécialistes des thromboses dans le reste du monde, on nous dit, « Oh, mon Dieu, vous venez d’Ottawa? ».
« À Ottawa, nous sommes des poids lourds de la formation médicale ».
— Dre Melissa Forgie
Nous occupons une place unique à Ottawa dans le sens où nous avons un prestigieux hôpital pour adultes, un hôpital pour enfants ainsi qu’un certain nombre d’hôpitaux spécialisés. Nous avons donc une riche expérience d’apprentissage et d’enseignement, de portée et de profondeur, et nous comptons parmi nous des chercheurs sur la formation médicale d’une exceptionnelle renommée.
Il y a tant de regroupements d’excellence où nous sommes incontestablement des figures de proue dans le domaine des soins cliniques, de la recherche clinique et de la formation. Nous avons tout ce qu’il faut, mais les gens l’ignorent. Nous ne nous en vantons pas; c’est comme cela à Ottawa.
Q : Que représentera pour vos patients un nouveau centre de santé et de recherche de pointe qui remplacera le vieillissant Campus Civic?
R : Ce que je comprends, c’est que les moyens technologiques vont considérablement améliorer les soins aux patients. Qu’il s’agisse de réalité virtuelle ou encore d’intelligence artificielle, tout est très inspirant.
J’aime aussi le volet durabilité, la question de la santé planétaire. La prestation de soins de santé est l’une des industries les plus productrices de déchets au monde, et c’est là où nous devons vraiment faire mieux. J’espère que cela constituera un volet important des infrastructures en termes d’immobilisations et de besoins fondamentaux.
Je suis aussi enthousiaste à l’idée que cet hôpital de premier plan attirera et maintiendra en poste ses meilleurs éléments.
Q : Où vous trouve-t-on quand vous ne travaillez pas?
R : Je suis bénévole auprès de jeunes défavorisés, je m’implique dans le secteur sans but lucratif, et je suis aussi une ardente défenseure des droits des animaux. Nous avons déjà eu 15 animaux de compagnie parce que nous recueillions à une époque des animaux. Nous en avons certes beaucoup moins aujourd’hui. Des personnes me disent en riant que j’aurais dû être vétérinaire.
J’ai deux enfants d’âge adulte; ma fille est avocate à Wall Street; c’est la grande vie pour elle. Mon fils est officier dans les Forces armées canadiennes et il est actuellement déployé dans le cadre de l’effort de guerre en Ukraine.
Mon mari est avocat; je l’ai rencontré en 4e année. J’étais l’enfant bizarre avec un drôle d’accent qui portait des vêtements tout aussi bizarres. Il m’a prise sous son aile, et le reste est de l’histoire ancienne. D’un seul regard, nous pouvons avoir des conversations de trois heures. Nous vivons sur une propriété de cinq acres en plein milieu des bois; j’aime flâner, en compagnie de mes chiens, dans mon magnifique paradis boisé situé à à peine 20 minutes de l’hôpital.