Linda et son chien Leroy

Une rencontre fortuite peut changer une vie, ou de nombreuses vies. Lorsque Linda Powers a eu besoin d’un physiothérapeute pour la première fois, c’était pour soigner des problèmes de genoux consécutifs à des années de cyclisme intensif. Elle est ensuite devenue elle-même physiothérapeute, pour réapprendre aux gens à marcher, entre autres, après un accident vasculaire cérébral (AVC). 

Linda est aujourd’hui semi-retraitée après avoir travaillé à L’Hôpital d’Ottawa pendant 28 ans, dont 22 comme physiothérapeute spécialisée en neurologie. Elle a consacré sa carrière à aider à établir un lien entre l’esprit et le corps pour permettre aux patients de retrouver leur autonomie et leur mobilité après des événements neurologiques qui ont changé leur vie, comme un AVC. 

Découvrez qui a mis Linda sur le chemin de la vie, pourquoi elle est tombée amoureuse de la physiothérapie et à quel point le soutien de la communauté est important pour les patients avec lesquels elle travaille. 

Q: Parlez-nous un peu de votre enfance.  

R : Je suis née en fait au Campus Civic de L’Hôpital d’Ottawa. À un jeune âge, mes parents nous ont fait déménager à Gatineau, ce qui était intéressant parce que nous étions une famille anglophone dans une communauté on ne peut plus francophone. À l’époque, il n’y avait pas beaucoup d’activités sportives pour les femmes ou les jeunes filles, mais j’ai découvert mon amour de l’exercice en faisant du vélo et de la danse, pas de compétition, parce que nous ne pouvions pas nous le permettre, mais d’animation.

Linda à la maternelle
Linda, qui faisait partie de l’équipe des Rough Riders cheerleader en 1984

Q: Que vouliez-vous faire quand vous serez grande?

R : Mannequin! Ou hôtesse de l’air. Mon père travaillait pour Air Canada, et je me souviens avoir pensé que c’était le travail le plus sympa qui soit, de voler partout gratuitement. Plus tard, je me suis dit que je pourrais me lancer dans l’informatique. J’ignorais que la physiothérapie existait à l’époque! 

Q: Quand avez-vous compris que vous vouliez devenir physiothérapeute?

R : À l’école élémentaire, je ne me rendais pas compte de mon intelligence. Je me souviens qu’en 8e année, j’ai essayé de choisir une filière pour le secondaire. Les sciences me faisaient peur, et tous mes amis avaient choisi le secrétariat, alors j’en ai fait de même. Mais j’ai eu la conseillère d’orientation la plus incroyable de la planète qui a appelé mes parents et leur a dit : « Votre fille est en train de gâcher un esprit intelligent. S’il vous plaît, convainquez-la de s’orienter vers les sciences ». Bien sûr, je l’ai fait. Je ne serais littéralement pas là où je suis aujourd’hui sans la perspicacité de Mary Lou McGuire. 

Après avoir étudié les sciences au Cégep, je me suis inscrite en biologie à l’Université d’Ottawa, où je me suis spécialisée en physiologie de l’exercice parce que j’aimais bouger et que le volet physiologie est incroyable; et cela m’intéresse encore aujourd’hui. 

Ma première expérience avec la physiothérapie a eu lieu en raison de problèmes de genoux consécutifs au fait que j’avais les pieds plats et que j’étais très active! Je me revois encore aujourd’hui assise sur la table pour soigner mon genou, en train de parler avec le physiothérapeute de cette discipline. Je m’entends dire : « Quel métier extraordinaire! Vous êtes payé à faire quelque chose que vous aimez! ». 

J’ai beaucoup de chance d’avoir découvert la physiothérapie, car même si le travail peut être très prenant et stressant, j’ai chaque jour des moments où je m’estime chanceuse de pouvoir en faire profiter quelqu’un. 

Q: Comment vous êtes-vous retrouvée en physiothérapie spécialisée en neurologie?

R : Durant mes études de physiothérapie, j’ai commencé à m’intéresser à tous les différents domaines dans lesquels je pourrais travailler. J’ai effectué trois stages sur six en neurologie, et j’ai aimé pouvoir aider les gens à retrouver une certaine mobilité. Une fois son diplôme en poche, on n’a généralement pas la possibilité de travailler immédiatement dans le domaine de son choix. J’ai donc commencé dans une clinique orthopédique, mais je n’y suis pas restée longtemps. J’ai rapidement rejoint une clinique de soins à domicile, où j’ai pu travailler avec des patients ayant des problèmes neurologiques et d’autres patients souffrant de problèmes cardiorespiratoires. Au bout à peine d’un an et demi, j’ai été embauchée à L’Hôpital d’Ottawa, où j’ai travaillé dans presque tous les services avant de me retrouver en neurologie. J’ai passé 22 années en neurologie avant de prendre ma retraite en 2023. Aujourd’hui, je travaille occasionnellement, en prenant autant de quarts de travail que possible dans l’Unité de neurologie.

Q: Comment vous êtes-vous retrouvée en physiothérapie spécialisée en neurologie?

R : Dans de nombreux domaines de la physiothérapie, on travaille avec une partie du corps. En physiothérapie orthopédique, il peut s’agir d’un doigt ou d’un genou, et en physiothérapie cardiorespiratoire, on travaille sur le système respiratoire. En neurologie, on s’occupe de plusieurs systèmes, de la mobilité globale et de tout ce que le cerveau et la moelle épinière contrôlent. Nous devenons en quelque sorte des experts du cerveau. Pour moi, c’était ce qui était le plus exigeant, le plus intéressant et le plus gratifiant. 

« C’est une montée d’endorphine, comme si on terminait une course. »

— Linda Powers

Le diagnostic le plus important à poser en neurologie est l’accident vasculaire cérébral, et dans ce cas, notre finalité est d’amener le patient à remarcher. Nous commençons par le faire bouger dans le lit, puis lui réapprendre la position assise, le maintien de l’équilibre et, enfin, la marche. 

On applique des traitements et on voit les effets, et c’est tout simplement incroyable. C’est une montée d’endorphine, comme si on terminait une course. 

Q: Vous avez travaillé sur le cas de Sophie Leblond Robert; qu’est-ce qui a fait que ce cas soit compliqué ou unique?

R : Sophie a été victime d’un AVC du tronc cérébral, avec un caillot massif dans l’artère postérieure, qui traverse la colonne vertébrale. Son emplacement est problématique, car il peut bloquer un grand nombre de fonctions automatiques, comme le contrôle du rythme cardiaque ou de la tension artérielle, ou rompre la connexion entre le cerveau et le corps, ce qui signifie que vous pouvez vous retrouver avec un syndrome d’enfermement. En général, vous n’avez que vos pensées et la possibilité de bouger les yeux. 

En raison de la nature extrême de l’AVC de Sophie, elle a souffert d’un syndrome d’enfermement

« Linda, nous avons eu un autre miracle! ».

Nos radiologues interventionnistes ont retiré une grande partie du caillot en ayant recours à la thérapie endovasculaire (TEV), une intervention avec effraction minimale. Je suis toujours impressionnée par nos radiologues interventionnistes et par la façon dont ils sauvent des gens. C’est ce que j’appelle le miracle de la TEV. D’autres thérapeutes plaisantent en disant : « Linda, nous avons eu un autre miracle! ». 

Après son opération chirurgicale, Sophie a connu un rétablissement tout simplement incroyable. Lorsque j’ai rencontré Sophie pour la première fois, ses membres ne bougeaient pratiquement pas et elle avait du mal à bouger les yeux. Si elle bougeait les yeux d’une certaine façon, elle était prise de vertiges et de nausées. Lors de l’évaluation initiale de sa mobilité, elle ne parvenait même pas à garder l’équilibre en s’asseyant au bord du lit. Mais en un rien de temps, elle a commencé à faire des progrès très rapidement. Elle a fini par faire ses premiers pas quelques mois plus tard, le 1er octobre! Il est rare que l’on se remette d’un syndrome d’enfermement, mais Sophie était une véritable exception. 

Q: Comment le soutien communautaire finit-il par aider des patients comme Sophie?

R : Sans le soutien de la collectivité, nous ne serions pas en mesure de mener les recherches qui permettent de mettre au point des techniques telles que la TEV, qui a sauvé Sophie. Au début de ma carrière, cette thérapie n’était pas préconisée pour les AVC. On y avait recours pour éliminer les caillots dans les artères coronaires, mais son utilisation pour les AVC a changé la donne. 

Les dons communautaires permettent également de soutenir la recherche sur les soins médicaux  
hyperaigus, ce qui a influencé la manière dont nous identifions un patient arrivant à l’Ugence avec un risque d’AVC. Le soutien communautaire s’étend même à la technologie utilisée par nos médecins et peut aider les professionnels paramédicaux en améliorant les niveaux de dotation en personnel et en contribuant à l’achat des équipements que nous utilisons en physiothérapie, comme des déambulateurs ou des fauteuils spéciaux pour nos patients atteints de troubles neurologiques. 

Q: Où peut-on vous trouver quand vous ne travaillez pas? 

R : Vous me trouverez sur mon vélo ou en train de promener mon chien, Leroy, un shitzu croisé lhasa apso et caniche. Je l’emmène chaque jour en randonnée. J’ai aussi un fils, Matthew, qui a 25 ans et étudie en génie à l’Université Carleton. Je l’ai élevé seule; nous sommes très fusionnels. J’aime passer du temps avec lui dès que nos emplois du temps respectifs nous le permettent. Matthew a maintenant quitté le domicile familial et je suis en semi-retraite. Donnez-moi un vélo, un parc à chiens et quelques bons amis, et je suis heureuse.

Linda et son fils Matthew
Linda et son vélo

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