Une révélation d’enfance et une remise en question de nos connaissances sur les os
Rencontre avec le Dr Geoffrey Wilkin, chirurgien orthopédiste
Après une fracture, le temps d’action pour une guérison optimale de l’os est court. Personne ne le sait mieux que le Dr Geoffrey Wilkin, orthopédiste en traumatologie à L’Hôpital d’Ottawa. Si un patient se présente avec une blessure traumatique, le Dr Wilkin sait qu’il doit vite trouver un plan. Un os bien aligné et guéri peut faire toute la différence pour le rétablissement d’un patient et la restauration de la fonction dans la zone touchée.
Après s’être intéressé très tôt aux sciences de l’activité physique et avoir obtenu un diplôme de premier cycle en kinésiologie, le Dr Wilkin a été fasciné par le mécanisme de guérison des os. Lisez la suite pour en savoir plus sur ces mécanismes et sur les origines de sa passion pour l’orthopédie à seulement 12 ans.
Q : Avez-vous toujours été passionné par la médecine, et plus particulièrement par l’orthopédie?
R : En réfléchissant à mon parcours professionnel, j’ai réalisé qu’une chose avait eu un impact plus important que je ne l’avais pensé au départ. Quand j’avais environ 12 ans, ma petite sœur a été renversée par une voiture et s’est cassé la jambe.
Elle a subi une opération chirurgicale. Elle avait ensuite un gros plâtre et des broches en dépassaient. Des infirmières à domicile venaient lui changer ses pansements. Je me souviens d’avoir trouvé tout cela bien fascinant.
C’est drôle, je me rappelle comme si c’était hier l’une des premières visites de suivi. Nous avons vu sur la radiographie qu’un nouvel os se formait; l’os fracturé avait déjà commencé à guérir. C’était ma première expérience avec cette fascinante capacité de notre squelette à se rétablir.
Personne dans ma famille n’était médecin, mais vers la fin de l’école secondaire, je savais que j’allais faire carrière en médecine. Je ne me souviens pas exactement du moment, mais j’ai suivi un cours sur le fonctionnement de notre corps, ce qui m’a incité à obtenir mon diplôme de premier cycle en kinésiologie, la science du mouvement humain, à l’Université McMaster. Puis, je suis allé directement à la faculté de médecine de l’Université Queen’s.
Q : En tant qu’orthopédiste, pourquoi avez-vous choisi de travailler à L’Hôpital d’Ottawa?
R : Mon lien avec Ottawa a commencé tôt et par hasard. C’était l’été suivant ma deuxième année de médecine, et ma copine à l’époque, qui est maintenant mon épouse, était étudiante à la faculté de droit de l’Université d’Ottawa. J’ai voulu passer l’été à Ottawa pour profiter de plus de temps avec elle et éviter de faire la navette comme nous le faisions pendant toutes ces années.
À ce stade, je savais que je voulais faire carrière en orthopédie, alors j’ai consulté la liste des professeurs de l’Université d’Ottawa et j’ai noté quelqu’un dont le principal domaine d’intérêt était la traumatologie orthopédique et la chirurgie des membres supérieurs. Je me suis dit : « Tiens! C’est plutôt intéressant. Je vais lui envoyer un courriel pour voir s’il y a des recherches que je peux faire en tant qu’étudiant en médecine. »
Il me semblait évident à l’époque que le programme d’orthopédie ici avait beaucoup de points forts. Il est possible, au regard de sa superficie, d’avoir une vaste gamme de pathologies à Ottawa, telles que la lésion traumatique, la reconstruction articulaire, l’oncologie, les problèmes de colonne vertébrale et les cas pédiatriques. Pour quelqu’un qui cherche à avoir une formation complète en résidence, Ottawa offre la chance de couvrir toutes ces bases. Je suis reconnaissant de pouvoir maintenant contribuer au programme de formation en résidence dont j’ai moi-même bénéficié.
« Nous disposons d’un groupe particulièrement solide de spécialistes en traumatologie. »
Après ma formation postdoctorale à New York, j’ai eu l’occasion d’y rester et d’y travailler, mais j’ai choisi de revenir à Ottawa, parce que je pensais que ce serait un bon choix tant pour ma carrière que pour ma famille. En tant que seul centre de traumatologie desservant la région de la capitale nationale, l’est de l’Ontario et le Nunavut, je savais qu’il y aurait beaucoup de cas de lésions délicates que je pourrais aider à traiter, ce qui se traduirait par une pratique clinique gratifiante et épanouissante. De plus, notre division avait récemment établi une chaire de recherche en chirurgie orthopédique régénérative, qui, je le savais, offrirait d’excellentes possibilités de recherche collaborative pour améliorer notre traitement des problèmes complexes liés aux fractures.
Mais la décision de revenir au sein du personnel a finalement été motivée par les gens avec qui je travaillerais. Je savais que j’allais rejoindre un excellent groupe d’orthopédistes. La traumatologie est vraiment un sport d’équipe, et une équipe qui fonctionne bien est un facteur essentiel. Nous disposons d’un groupe particulièrement solide de spécialistes en traumatologie au Campus Civic. Mes premiers mentors sont maintenant devenus mes partenaires, et nous nous entraidons. Nous avons également d’excellents membres du personnel – infirmières, physiothérapeutes, technologues en imagerie et autres professions paramédicales – qui travaillent tous pour un objectif commun. Cela crée un excellent environnement de travail, et je sais que cela se traduit par des soins de classe mondiale pour les fractures.
Q : Qu’avez-vous appris de plus intéressant en tant qu’orthopédiste?
R : La chose la plus intéressante que j’ai apprise – et je pense que ça rejoint une perception généralement répandue – c’est que les os ne sont pas une partie inerte de votre squelette. Nous avons l’impression que l’os est cette substance dure inerte qui maintient notre corps en place, mais il s’agit vraiment d’un tissu vivant et dynamique. Il renferme un incroyable potentiel de réparation, et c’est l’un des seuls tissus de l’organisme qui guérit sans cicatrice.
En tant que traumatologues, nous devons exploiter ce potentiel, cet aspect vivant de l’os, et le respecter. L’orthopédie a la réputation de n’être que du travail de menuiserie – et il y en a beaucoup – mais c’est aussi du jardinage. Il faut prendre soin de ce tissu vivant et essayer de trouver le bon équilibre entre les propriétés mécaniques de l’os et ses propriétés biologiques.
Mon rôle de chirurgien est de faciliter le fonctionnement de l’os.
« Il faut prendre soin de ce tissu vivant et essayer de trouver le bon équilibre entre les propriétés mécaniques de l’os et ses propriétés biologiques. »
Q : Vous avez travaillé sur le cas de Travis Vaughan. En quoi est-il si unique?
R : Travis a subi une blessure très grave au fémur à la suite d’un accident de motoneige. En plus d’une mauvaise fracture, il a également subi une perte osseuse, ce qui pose un problème chirurgical particulièrement unique.
Lorsque le cas de Travis m’a été confié, nous avons d’abord pensé qu’il s’agissait simplement de reconstituer la perte osseuse, mais nous avons ensuite réalisé que l’os n’était pas aussi bien aligné qu’il aurait dû l’être, et que nous devions nous en occuper pour nous assurer que l’amplitude du mouvement était maintenue. Travis pensait qu’il allait subir une intervention de 90 minutes, et j’ai dû lui annoncer qu’il s’agissait probablement d’une intervention qui prendrait de cinq à six heures.
C’est tout de suite après une blessure que l’on a le plus de chance d’obtenir un résultat parfait. Notre marge de manœuvre est mince. Il suffit de manquer l’occasion pour compliquer les choses.
L’autre défi dans des cas comme celui de Travis est que nous pouvons faire cette grosse opération, mais nous attendre des mois après pour savoir si nous l’avons réussi. À chaque visite de suivi, nous voyons comment il va, nous observons les radiographies pour détecter des signes de guérison osseuse. Or souvent, pour une blessure comme la sienne, il faut attendre un an ou plus avant de savoir si nous avons réussi.
Heureusement, il s’en est bien sorti, et nous avons finalement pu déclarer la victoire sur sa blessure.
Q : L’Hôpital d’Ottawa travaille actuellement à la création d’un nouveau centre de santé et de recherche de pointe qui remplacera le vieillissant Campus Civic. Que signifiera ce nouvel hôpital pour vos patients?
R : Je suis certainement enthousiaste pour le nouveau campus. J’ai participé à une partie de la planification des cliniques orthopédiques, où nous aurons de nouveaux locaux avec beaucoup de salles pour faire face à l’augmentation du nombre de patients. La demande de soins orthopédiques augmente chaque année, et nous devons nous assurer d’avoir la capacité de répondre aux besoins des gens.
Le nouveau campus sera un centre de traumatologie de pointe. Il y aura une intégration des services de traumatologie, y compris un héliport sur le toit avec un ascenseur qui débouche directement sur les aires de traumatologie, le service d’urgence et les blocs opératoires. Cette intégration sera essentielle pour les patients ayant les blessures les plus graves; elle permet d’économiser de précieuses minutes.
L’orthopédie n’est qu’une pièce du casse-tête; plusieurs services doivent être intégrés, et plus nous pourrons les regrouper en un seul endroit, mieux nous pourrons offrir de bons soins aux patients.
« L’orthopédie n’est qu’une pièce du casse-tête; plusieurs services doivent être intégrés, et plus nous pourrons les regrouper en un seul endroit, mieux nous pourrons offrir de bons soins aux patients. »
Q : Que faites-vous quand vous n’êtes pas à l’hôpital?
R : J’aime passer du temps avec ma famille. Mes deux jeunes enfants apportent beaucoup de joie à ma vie. J’ai aussi pris goût au vélo tout-terrain. Je sors en été dès que je peux et je fais du vélo d’hiver, ce qui s’est avéré beaucoup plus amusant que je ne le pensais. J’aime aussi faire de la planche à neige et du ski. Si j’avais plus de temps, j’aimerais vraiment cuisiner, mais parfois c’est difficile de trouver le temps.