Meshach Asare-Werehene a parcouru beaucoup de chemin pour parvenir à ces réalisations aujourd’hui. Littéralement, il a quitté le Ghana pour le Royaume-Uni avant d’opter pour le Canada, en plus de passer un certain temps au Japon. Ses parents n’ont pas été surpris que leur fils se lance en recherche médicale. Lorsqu’il était petit, il utilisait une mallette au lieu d’un sac à dos (ce qui lui a valu le surnom de « directeur ») parce qu’il n’aimait pas que ses livres et ses feuilles se retrouvent pêle mêle dans un sac à dos et il demandait des insectes et des lasers au lieu de jouets et de poupées. Il posait tellement de questions à ses professeurs que ceux-ci pensaient qu’il se moquait d’eux et il a déjà refusé d’aller à la bibliothèque avec sa classe jusqu’à ce que la bibliothèque obtienne plus de livres scientifiques.
M. Asare-Werehene est aujourd’hui spécialiste du diagnostic et du traitement de cancers gynécologiques, enseignant à l’École interdisciplinaire des sciences de la santé de l’Université d’Ottawa, responsable du programme de cancérologie au laboratoire du scientifique Benjamin Tsang à l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa et il pose toujours des questions. Il a récemment reçu le prix Worton du chercheur en formation en raison de ses découvertes avant-gardistes, de son leadership extraordinaire et d’une des réponses qu’il a apportées pendant son doctorat. Il a découvert que les cellules cancéreuses résistantes à la chimiothérapie dans les ovaires produisent une grande quantité d’une protéine appelée gelsoline plasmatique. Cette protéine empêche les cellules immunitaires tueuses de cellules cancéreuses de faire leur travail. Cette découverte pourrait permettre d’améliorer à la fois le dépistage et le traitement du cancer de l’ovaire.
Lorsqu’il n’est pas au travail, M. Asare-Werehene aime passer du temps dans la nature avec sa famille : son épouse, la Dre Afrakoma Afriyie-Asante, brillante immunologue spécialisée en cancer et en maladies infectieuses, et son premier fils, né en août 2021. La cuisine est une thérapie pour lui. Il prépare des plats internationaux en y ajoutant une touche ghanéenne et il trouve une communion au sein de son église en gardant à l’esprit le verset 13 du chapitre 4 de la Lettre aux Philippiens (Bible du roi Jacques) : « Je puis tout par le Christ qui me fortifie. ».
Poursuivez votre lecture pour en savoir plus sur M. Asare-Werehene et la source de sa passion pour améliorer le diagnostic et le traitement du cancer au Canada et ailleurs dans le monde.
Q : Avez-vous décidé de faire des études en médecine à un moment précis?
R : Pendant mon enfance au Ghana, je n’ai jamais accepté un non comme réponse. À sept ans, j’ai entendu une conversation entre mes parents et un de nos oncles. J’ai entendu mon oncle dire que notre tante était morte d’un cancer parce qu’il n’y avait pas de traitement pour elle. J’ai demandé : « Pourquoi il n’y avait pas de traitement? Était-ce un problème d’argent ou de manque de médicament? ». Mes parents ont failli me punir parce que je venais d’interrompre une discussion entre adultes, ce qui très mal vu au Ghana. Mon oncle les a calmés et m’a répondu : « Tous les traitements n’ont pas fonctionné pour votre tante. Rien ne pouvait donc l’aider. »
Je ne savais pas que cela pouvait arriver et c’est ce qui a déclenché ma passion. Depuis, je me suis promis de poursuivre dans cette voie pour aider des patients comme elle à aller mieux et comprendre pourquoi la chimiothérapie ne fonctionne pas dans certains cas.
Q : Qu’est-ce qui vous a incité à quitter le Ghana pour le Royaume-Uni et ensuite Ottawa? Comment s’est déroulé ce parcours?
R : J’ai eu de la chance parce que j’étais parmi les premiers de classe lorsque j’ai obtenu mon diplôme de premier cycle au Ghana (j’étais l’un des deux seuls). J’étais le deuxième de ma classe. Fait intéressant, ma femme (qui était alors ma camarade de classe) était la première de classe et a prononcé le discours d’adieu au Collège des sciences de la santé! Nous avions tous les deux une bourse similaire pour aller à l’Université de Nottingham, au Royaume-Uni. J’ai étudié l’immunologie du cancer et c’est à cette période que j’ai découvert les diverses dimensions de la recherche en cancérologie. Lorsque j’ai obtenu mon diplôme, j’étais le meilleur de mon programme et j’ai reçu le certificat d’or pour mon rendement exceptionnel aux chapitres des études et du leadership. Ma femme étudiait alors la microbiologie et l’immunologie et était l’une des meilleures de son programme. J’ai ensuite découvert L’Hôpital d’Ottawa et appris comment il intègre la recherche et les soins aux patients. Les politiques d’immigration ici m’étaient en outre plus favorables. Au Canada, je pouvais rester plus longtemps après la fin de mes études pour trouver un emploi. Sur le plan professionnel, c’est la meilleure décision que j’ai prise.
Sur le plan personnel, ce cheminement a été difficile parce que j’ai laissé ma famille derrière moi pour concrétiser mes intérêts professionnels. De plus, avant de quitter le Ghana, je ne savais pas que j’étais noir. C’est seulement lorsque j’ai commencé à voyager que j’ai fait l’expérience du racisme, qu’il s’agisse d’être surveillée par la police dans les magasins haut de gamme, d’être discrédité pour mon propre travail ou de me faire dire de retourner dans mon pays.
Q : Pouvez-vous nous parler de votre découverte et de ce que représente pour vous le prix Worton du chercheur en formation?
R : Ces 30 dernières années, le taux de survie au cancer de l’ovaire ne s’est pas beaucoup amélioré par comparaison à d’autres cancers. Il est toujours d’environ 45 %, ce qui signifie que lorsqu’une patiente reçoit un diagnostic aujourd’hui, la probabilité qu’elle vive encore cinq ans est de 45 % – ce qui est vraiment peu élevé. C’est principalement dû à un diagnostic tardif ainsi qu’au fait que la plupart des patientes ne répondent pas aux traitements conventionnels. Il est passionnant et gratifiant pour moi de chercher pourquoi certaines patientes peuvent résister au traitement et de découvrir des moyens de stimuler le système immunitaire. C’est comme si on emmenait les cellules immunitaires à la salle de conditionnement physique pour les renforcer afin qu’elles tuent les cellules cancéreuses. Je suis curieux de nature. C’est pourquoi j’ai toujours cherché à cerner le problème; c’est ce dont j’ai toujours rêvé.
« Ce prix me montre que l’Hôpital et toute la collectivité ont confiance en mon travail. Il m’inspire à repousser sans cesse les limites et à réaliser une excellente recherche internationale. »
— M. Asare-Werehene
Ce prix me montre que l’Hôpital et toute la collectivité ont confiance en mon travail. Il m’inspire à repousser sans cesse les limites et à réaliser une excellente recherche internationale. Je suis également le quinzième lauréat et le premier Noir, ce qui est chargé de sens pour moi. Il est difficile de devenir quelqu’un lorsqu’on n’a pas de modèle. Je suis heureux que les prochaines générations puissent voir le chemin créé et savoir que Meshach était là et qu’il est donc possible pour elles aussi d’être là. Ce n’est pas seulement pour moi, mais aussi pour ma famille et mes mentors et pour que la communauté noire ait un modèle à suivre.
Q : Quel est l’avenir de L’Hôpital d’Ottawa à votre avis?
R : Je pense que l’avenir de L’Hôpital d’Ottawa est très prometteur. Je me réjouis à l’idée qu’il devienne un chef de file mondial en matière de soins et de recherche révolutionnaire, ainsi qu’une plaque tournante internationale pour former la prochaine génération de cliniciens, de chercheurs et de professionnels de la santé. La construction du nouveau campus donnera une formidable impulsion à ce chapitre. Je me réjouis également de constater une plus grande diversité à tous les niveaux, qu’il s’agisse des soins aux patients, de la prise de décisions, des découvertes en recherche et de la gestion. Je crois que tout cela se concrétisera au cours des prochaines années. Je suis donc très confiant.
Q : Quelles sont vos prochaines étapes sur les plans personnel et professionnel?
R : Je souhaite faire progresser mes carrières de clinicien et de chercheur jusqu’au point où mes découvertes seront appliquées en milieu clinique pour donner une seconde chance aux patients et leur permettre de passer plus de temps en famille. Personnellement, je souhaite avoir plus de temps de qualité à passer avec ma famille, en particulier avec mon fils. J’aimerais également terminer mon deuxième livre et acquérir une nouvelle compétence comme la couture ou peaufiner mes talents de cuisinier. Je m’intéresse aussi à la politique et j’espère pouvoir transposer mes études sur la scène politique pour en faire profiter toute ma communauté.
« Je suis heureux que les prochaines générations puissent voir le chemin créé et savoir que Meshach était là et qu’il est donc possible pour elles aussi d’être là. Ce n’est pas seulement pour moi, mais aussi pour ma famille et mes mentors et pour que la communauté noire ait un modèle à suivre. »
— M. Asare-Werehene