Intégrer la recherche aux soins
Voici le Dr Manoj Lalu, le scientifique clinicien qui propulse des découvertes jusqu’au chevet de patients chaque jour
Le Dr Manoj Lalu est tout aussi habile pour jongler que pour traiter, car il est constamment appelé à concilier plusieurs « chapeaux » à L’Hôpital d’Ottawa. Il est scientifique adjoint au sein des programmes d’épidémiologie clinique et de médecine régénératrice, ainsi qu’anesthésiologiste au Département d’anesthésiologie et de médecine de la douleur de L’Hôpital d’Ottawa. Sa position unique de scientifique clinicien lui permet non seulement d’équilibrer ces rôles, mais aussi de les allier – son travail clinique auprès de patients éclaire sa recherche et l’inverse tout autant.
De l’étude des cellules souches pour traiter des problèmes comme la sepsie jusqu’au traitement de patients directement dans l’Unité de soins intensifs ou le bloc opératoire, le Dr Lalu améliore véritablement la vie de patients en coulisses et au-delà.
Découvrons ce qui l’a amené à L’Hôpital d’Ottawa et sa façon de transformer la recherche d’aujourd’hui en traitements pour demain.
Q : Parlez-nous de votre enfance?
R : Je suis né et j’ai grandi à Edmonton, en Alberta. J’y ai d’ailleurs passé toute mon enfance.
J’étais surtout intéressé par la musique dans ma jeunesse. J’ai joué du piano et de la guitare classique pendant plusieurs années. Mon premier emploi rémunéré a été celui de choriste dans le cadre de la production d’un disque de Noël.
J’avais aussi un côté intello; j’adorais les sciences. J’aimais leur nature concrète, même si ce qu’on nous enseigne à l’école est très différent de ce que nous apprenons lorsque nous commençons réellement à faire de la recherche. C’est beaucoup moins tranché dans la vie réelle. J’ai aimé faire des expériences et je me suis rendu une fois à une foire scientifique régionale. J’avais une expérience très simple liée à un pendule, mais je ne pouvais pas rivaliser avec les autres personnes qui faisaient des expériences avec des cultures cellulaires et d’autres choses complexes.
Q : Quel a été votre parcours depuis la foire scientifique de l’école secondaire en Alberta jusqu’à L’Hôpital d’Ottawa?
R : Je cherchais un attrait biomédical dans le domaine des sciences, ce qui m’a incité à faire un baccalauréat en pharmacologie à l’Université de l’Alberta. À mon premier véritable cours de pharmacologie, nous avons appris les différentes classes de médicaments et leurs voies d’action dans l’organisme. J’ai trouvé cela très intéressant.
Après mes études de premier cycle, j’ai fait un doctorat en pharmacologie, ce qui m’a amené à étudier la sepsie. J’ai ensuite fait des études de médecine – le tout, à l’Université de l’Alberta. Après avoir décroché mon diplôme, je me suis marié et ma femme, qui est également médecin, était prête à quitter Edmonton. Nous sommes venus à Ottawa pour que je puisse faire ma résidence en anesthésiologie en 2008.
Q : Aujourd’hui, vous êtes scientifique clinicien à L’Hôpital d’Ottawa : vous êtes anesthésiologiste en milieu clinique et scientifique en laboratoire. De quelle façon ces rôles se complètent-ils?
R : Un scientifique clinicien apporte quelque chose d’unique à la recherche. En tant qu’anesthésiologiste, j’interagis avec des patients. Je constate les problèmes qui se présentent en salle d’opération lorsque les patients sont dans un état critique et ont des problèmes comme une sepsie ou des lésions pulmonaires. Constater l’état des faits dans le monde réel aide à décider de la façon de procéder en laboratoire.
La relation va en plus dans les deux sens. Je travaille beaucoup sur la recherche « du laboratoire au chevet des patients ». Nous réalisons beaucoup de découvertes palpitantes dans nos laboratoires où nous travaillons avec des pipettes et avec des modèles et des cellules dans des boîtes de culture. Mener ces découvertes palpitantes – parfois des thérapies, parfois des moyens de mieux diagnostiquer une maladie – jusqu’aux milieux cliniques, où nous pouvons réellement aider les patients grâce à ces découvertes, peut toutefois être un processus long et difficile.
Q : Parlez-nous du programme Excelerator du groupe BLUEPRINT et de son lien avec votre travail?
R : Le programme Excelerator de l’Hôpital est dirigé par le groupe de recherche translationnel BLUEPRINT, dont je suis codirecteur, en collaboration avec le Centre de méthodologie d’Ottawa. Ce programme aide à combler la lacune que je décrivais entre les découvertes et les essais cliniques et les soins. L’idée est d’appliquer les principes les plus judicieux à ce qui fonctionne déjà dans le monde clinique.
Nous faisons beaucoup de revues systématiques. Nous examinons toutes les données probantes disponibles sur un traitement précis pour mieux comprendre les risques et les avantages.
Nous examinons aussi les obstacles auxquels les patients sont confrontés pour participer à des essais cliniques, les évaluations économiques des traitements ou les critères d’évaluation pour déterminer quels patients pourraient obtenir les meilleurs résultats dans le cadre d’un essai clinique.
Ces choses peuvent sembler relever du bon sens, mais elles ne sont généralement pas effectuées de manière systématique avant tous les essais. Nous pensons qu’il est important d’adopter cette approche rigoureuse, mais il faut du temps et de l’argent pour pouvoir effectuer ce genre de travail.
Q : Plus tôt dans votre carrière à L’Hôpital d’Ottawa, vous avez collaboré aux soins offerts à Christine Caron, qui a fait un choc septique. En quoi son cas s’est-il démarqué et quel est le lien avec la recherche que vous réalisez en ce moment?
R : J’ai aidé à traiter Christine pendant ma résidence à L’Hôpital d’Ottawa. Je me souviens très bien de son cas parce qu’il était véritablement unique. Les personnes en santé comme elle l’était à l’époque réagissent rarement de façon aussi intense à une infection.Le problème en ce qui concerne la sepsie en ce moment est que beaucoup des traitements que nous utilisons visent à soutenir. Nous pouvons par exemple donner des liquides pour maintenir la tension artérielle. Ce que nous essayons de réaliser dans mon laboratoire et dans celui de la Dre Lauralyn McIntyre, c’est de concevoir de nouveaux traitements pour aider le corps à se guérir luimême en cas de problème comme une sepsie.
En ce moment, nous dirigeons une étude multilaboratoire sur la sepsie appelée National Preclinical Sepsis Platform (plateforme nationale préclinique sur la sepsie). Nous avons déjà réalisé des essais cliniques dans plusieurs centres par le passé – c’est courant – mais c’est le premier essai multilaboratoire au Canada qui amène des chercheurs de différents laboratoires plutôt que de différents centres à travailler ensemble dans le cadre du même essai.
« La sepsie m’a enlevé beaucoup de choses; elle m’a marquée à bien des égards. Nous devons défendre les droits et sensibiliser, car la sepsie ne fait pas de discrimination. »
Q : Qu’est-ce qui vous motive à continuer de travailler à L’Hôpital d’Ottawa?
R : Les mêmes facteurs qui m’ont attiré ici : mon milieu clinique et L’Hôpital d’Ottawa dans l’ensemble soutiennent énormément ma recherche. Dès que je propose une idée, la conversation commence par « comment pouvons-nous la concrétiser » plutôt que par « voici 10 raisons prouvant qu’elle ne fonctionnera pas ».
J’apprécie aussi mes collègues et les patients. Nous faisons tellement de choses ici que personne d’autre ne réalise dans la région. C’est stimulant de travailler dans un milieu clinique et de recherche de cette trempe.
Q : Comment vous occupez-vous en dehors du travail?
R : Je passe du temps avec ma famille. J’ai rencontré ma femme grâce à la recherche. Elle était technicienne au laboratoire en face de l’université où j’ai fait mon doctorat. Elle est médecin de famille à Ottawa maintenant. Nous avons deux jumelles et elles occupent la majeure partie de mon temps. Nous aimons voyager et faire de la planche à neige.
Fièrement affilié à l’Université d’Ottawa, L’Hôpital d’Ottawa est un centre de recherche et de santé universitaire de premier plan.