Mise à jour : octobre 2023
Au cours des derniers mois, nous avons eu le grand privilège de travailler aux côtés d’Alison Hughes pour vous faire part de son histoire. À l’âge de 37 ans seulement, elle a reçu un diagnostic de cancer du sein. Elle tenait à sensibiliser les gens, surtout les jeunes femmes comme elle.
C’est avec énormément de chagrin que nous avons appris qu’Alison est décédée le mercredi 11 octobre 2023. Nous offrons nos condoléances à tous ceux qui l’ont connue et aimée. Elle demeure pour nous une source d’inspiration.
Publié : septembre 2023
Voici l’histoire d’Alison, dans ses propres mots.
Je tenais, certes, à relater mon histoire maintenant, car je souhaite que plus de jeunes femmes aient une histoire à laquelle se raccrocher. Malheureusement, le cancer du sein ne touche pas juste les femmes de plus de 50 ans. En partageant mon histoire, j’espère pouvoir aider des jeunes femmes à mieux comprendre ce qui les attend, parce que c’est ce qui m’a manqué lors de l’annonce de mon diagnostic il y a 10 ans.
À cette époque, j’étais propriétaire d’un dépôt-vente spécialisé dans la mode féminine. Comme j’adore Ia mode, cela me convenait tout à fait. J’avais aussi deux enfants en bas âge. Ma vie était bien occupée.
Puis, les choses se sont précipitées. J’ai remarqué une masse au niveau de mon sein droit, et je me revois dire à mon mari que c’était douloureux. Il m’avait dit de ne pas m’inquiéter, mais je savais que quelque chose n’allait pas; j’ai donc appelé mon médecin.
J’étais alors loin de savoir que c’était le début de mon combat contre le cancer du sein. J’ai fait une mammographie, juste au cas où. C’était un vendredi, et je me revois entrer dans le bureau, regarder tout autour de moi et voir des femmes plus âgées – j’étais jeune et branchée – personne d’autre ne me ressemblait. C’est peu de temps après la mammographie que j’ai su que quelque chose n’allait pas. Le bureau occupé était devenu silencieux; j’avais l’impression d’être dans un film. D’autres spécialistes sont venus et ont examiné mes résultats. J’avais un cancer du sein de stade 3.
Ma façon de faire face à mon diagnostic de cancer du sein
Je me souviens que quelqu’un me parlait, sans pour autant me rappeler ce que cette personne m’a dit. Une gentille infirmière s’est ensuite assise à côté de moi, et c’est à ce moment-là que j’ai senti une première larme glisser sur ma joue et que j’ai lentement commencé à pleurer.
« Je ne peux pas faire cela. Je n’ai pas de place dans ma vie pour cela en ce moment; cela ne peut pas m’arriver! »
En revenant à mon magasin en voiture, je me revois me dire « Je ne peux pas faire cela. J’ai un enfant de deux ans et un autre de trois ans et demi. Je n’ai pas de place dans ma vie pour cela en ce moment; cela ne peut pas m’arriver! »
Mais je devais affronter la réalité et, dans les deux semaines qui ont suivi, on m’a inséré un cathéter central intraveineux périphérique, suivi rapidement de séances de chimiothérapie. L’annonce de mon diagnostic a été particulièrement mal vécue par mes parents, parce que ma grand-mère paternelle était décédée d’un cancer du sein dans la mi-trentaine. Je leur ai donc dit « Nous avons le droit de pleurer pendant un jour et, après cela, pour le monde extérieur, il n’y a rien qui se passe ». Nous avons caché mon diagnostic à quasiment tout le monde – c’était mon mécanisme d’adaptation. Chacun a son propre mécanisme d’adaptation; c’était le mien.
J’ai rapidement rencontré le Dr Mark Clemons. Je parle de lui comme étant mon premier oncologue et désormais mon éternel oncologue. Le courant est bien passé entre nous. Il était bien informé, il m’encourageait et prenait le temps de répondre à toutes nos questions. Grâce à la confiance qu’il m’inspirait, j’ai su que les choix qu’il faisait n’étaient pas simplement sous un angle unique, mais qu’il tenait compte de l’ensemble de mes options thérapeutiques.
L'équipe de spécialistes prête à prendre soin de moi
Il n’était certes pas tout seul. Il était entouré de toute une équipe à L’Hôpital d’Ottawa prête à m’aider à avoir plus de temps pour voir grandir mes enfants.
Entre septembre et décembre 2013, j’ai fait des séances de chimiothérapie, mais la cinquième et la sixième séances ont été très éprouvantes pour moi. J’ai perdu ma magnifique chevelure, mon teint est devenu gris, et je ne quittais plus mon lit. Puis en février 2014, alors que je venais de retrouver quasiment toute ma force, j’ai eu une mastectomie au cours de laquelle on m’a retiré plusieurs ganglions lymphatiques au niveau de l’aisselle droite qui ont été envoyés en laboratoire pour être analysés. Nous avons plus tard appris que plus de 50 % des ganglions étaient cancéreux. C’est à ce moment-là qu’ont commencé mes séances de radiothérapie.
Les soins qu’on m’a prodigués ont été exceptionnels, tout comme les ressources mises à ma disposition par la suite en raison de la lourdeur de l’intervention chirurgicale. J’ai eu accès au programme d’oncologie psychosociale ainsi qu’à une diététiste.
Cet été-là, j’ai commencé à me sentir mieux, et c’est à ce moment-là que j’ai commencé à raconter aux gens ce que j’avais vécu. Certains sont devenus livides en entendant mon récit; je pense que c’est parce que peu de femmes de mon âge sont concernées par un tel diagnostic.
Cinq ans plus tard, j’allais bien et j’étais dispensée du programme de cancérologie. Je m’étais bien rétablie de mon cancer du sein; en tout cas, c’est ce que je croyais.
Dévastée à l’annonce de la formation de métastases
En 2021, en pleine pandémie, j’ai commencé à avoir très mal dans le dos et les hanches. J’ai fait des séances de physiothérapie, ce qui m’a soulagée pendant quelques jours, mais la douleur est ensuite revenue. Un jour au travail, j’ai trébuché sur un tapis et je n’arrivais pas à me relever. J’avais sans cesse ce douloureux spasme. Plus tard cette nuit-là, mes parents m’ont trouvé allongée au sol, incapable de me lever. Ils m’ont aidée à me mettre au lit, et je n’en ai pas bougé pendant quatre jours.
Puis, un jour, ma fille a remarqué que ma jambe portait des brûlures semblables à celles faites par une baguette de soudage. J’ai regardé mes enfants et je leur ai dit « Je pense que je devrais aller à l’hôpital ». J’étais loin de savoir que ma vie allait être bouleversée, de nouveau.
« Brusquement, je passais de la physiothérapie pour traiter mes douleurs lombaires à un diagnostic de cancer de stade 4, avec probablement à peine quelques mois à vivre. C’était presque trop tard. »
J’ai vite appris que mon cancer du sein s’était disséminé. J’avais des compressions tumorales au niveau de la colonne vertébrale ainsi qu’une lésion pulmonaire. J’avais une tumeur au foie; mon cancer s’était disséminé dans mon estomac et mes os. J’avais aussi plusieurs caillots sanguins mobiles, à l’origine des marques sur ma jambe. C’était comme si tout mon corps était en feu. Brusquement, je passais de la physiothérapie pour traiter mes douleurs lombaires à un diagnostic de cancer de stade 4, avec probablement à peine quelques mois à vivre. C’était presque trop tard.
Mon corps était rongé par le cancer
Il m’a fallu alors replonger dans les traitements. J’ai été prise en charge par une équipe de radiothérapie, une équipe d’oncologie et une équipe de soins palliatifs. J’avais une infirmière à domicile ainsi qu’un soutien psychologique. Les moyens déployés étaient extraordinaires.
Je suis retournée vivre chez mes parents, avec mes enfants alors âgés de 10 et 12 ans, parce que je ne pouvais plus monter les escaliers et que je n’étais plus vraiment autonome. En plus des caillots sanguins, j’ai eu plusieurs fractures osseuses résultant du cancer et des luxations de l’épaule à cause de tous mes os brisés dans le dos. Je me déplaçais en fauteuil roulant ou à l’aide d’une canne, et mon abdomen était très distendu en raison de la maladie. Tant de choses se passaient; mon corps était en mode alerte.
Malgré la très grande mobilisation de mon équipe de soins à l’hôpital, mes parents se sont occupés de moi et de mes enfants, et notre remarquable réseau de voisins nous a soutenus. Je pouvais être ainsi en traitement, et mes enfants avaient encore une certaine normalité; ils pouvaient aller jouer dehors.
Enfin de bonnes nouvelles
Entre juin 2021 et février 2022, j’ai eu des séances de radiothérapie dirigées par le Dr Laval Grimard pour traiter le cancer dans mes os, suivies de séances de chimiothérapie. Après un essai clinique infructueux, le Dr Clemons a essayé sur moi une nouvelle option chimiothérapeutique qui a finalement été porteuse d’espoir. En juin 2022, j’ai commencé à me sentir mieux.
Cet été-là, ma colonne vertébrale a commencé à se redresser, et j’ai pu bouger plus facilement. Mon état de santé n’a cessé de s’améliorer. Tous mes os ont guéri, les tumeurs ont rétréci, et j’ai pu marcher sans aide la plupart du temps. J’ai recommencé à travailler à temps partiel comme figurante dans des films – peut-être m’avez-vous vue dans un film culte – je fais aussi un peu de mannequinat.
Au printemps 2023, les résultats de mon examen de tomodensitométrie étaient bons, et je suis partie pour Oxford et Londres – mon séjour a été extraordinaire. À mon retour au Canada début juin, je sentais que mon corps était à l’arrêt complet. Je pouvais à peine marcher. Avant que je m’en rende compte, j’étais dans un fauteuil roulant, incapable de marcher.
Nous étions loin de savoir ce qui nous attendait
Une fois de plus, je me retrouvais en mode « urgence » pour savoir ce qui se passait. J’ai fait des radiographies, des examens de tomodensitométrie, et je pense qu’aucun de nous ne s’attendait à voir ce que nous avons vu sur ces clichés. J’étais quasiment certaine que c’était fini pour moi.
De nouvelles lésions étaient apparues au bas de la colonne vertébrale et, cette fois-ci, ils avaient aussi trouvé une tumeur au cerveau. Mon équipe de soins a immédiament agi en conséquence. Mon nouveau plan thérapeutique se composait de cinq séances de radiothérapie au niveau du dos et d’une au niveau du cerveau. J’ai ensuite commencé un nouveau type de traitement de chimiothérapie en août qui se classe au premier plan des options thérapeutiques, et je remercie le Dr Clemons du fond du cœur. J’appelle cela « la Cadillac des traitements »; je m’estime très chanceuse. Si je suis l’une des premières personnes à suivre ce traitement et qu’ils peuvent en tirer des enseignements, cela me convient tout à fait.
« J’ai donc pour philosophie que vous pouvez faire des tests sur moi, utiliser mon sang ou vous servir de moi pour améliorer le sort de quelqu’un d’autre; alors, inscrivez-moi. »
En fait, quand il s’agit de participer à des essais cliniques, je suis tout à fait partante. Je leur ai dit « Vous pouvez me piquer, m’utiliser pour apprendre des choses, vous servir de moi comme étude de cas. Des étudiants peuvent se faire la main sur moi ». Je suis déjà malade; j’ai donc pour philosophie que vous pouvez faire des tests sur moi, utiliser mon sang ou vous servir de moi pour améliorer le sort de quelqu’un d’autre; alors, inscrivez-moi. Je m’estime simplement chanceuse de bénéficier de ce niveau de soins et d’accès à des essais cliniques, même si celui auquel j’ai participé n’a pas marché, cela m’a permis d’avoir plus de temps. Et l’équipe de soins a appris des choses grâce à moi.
Je suis simplement reconnaissante de chaque jour qu’il m’est donné de vivre. Le Dr Clemons me surnomme le « chat botté » parce que c’est comme si j’avais neuf vies.
Il a une façon bien à lui de communiquer avec les patients. Il me demande « À quelle vie êtes-vous? ». À vrai dire, il m’arrive souvent de me demander « Qui peut avoir autant de chance? » C’est la raison pour laquelle je partage mon histoire. Je suis chanceuse de recevoir des soins et un soutien, et de pouvoir apprendre, parce que la vie n’est pas toujours une partie de plaisir – nous ne sommes pas tous logés à la même enseigne.
J’ignore ce que l’avenir me réserve. Je veux juste pouvoir être ici, avec mes enfants et ma famille. Je fais de mon mieux pour que chaque jour soit une belle journée pour eux et j’espère que la science continuera de faire des progrès et des découvertes. Aujourd’hui, Rosie a 13 ans, et Raffi, 11 ans. J’apprends à devenir la maman d’adolescents. J’ose imaginer le jour de la remise de leur diplôme d’études secondaires et leur vie à l’université. J’espère simplement que je pourrai continuer à les voir grandir, même s’ils ont moins besoin de moi.