Publié : janvier 2024
Sean Heron était comme un poisson dans l’eau lorsqu’il fréquentait l’Université Nipissing à North Bay. Ce passionné de randonnées profitait des innombrables sentiers et des activités de plein air accessibles dans la région. C’est toutefois aussi à cette époque que Sean a remarqué un changement au niveau de sa santé mentale. Ses inquiétudes l’ont incité à revenir à Ottawa et conduit vers l’équipe spécialisée en santé mentale de L’Hôpital d’Ottawa, qui a posé son diagnostic de schizophrénie.
Pendant sa première année à North Bay, Sean a commencé à éprouver des problèmes de santé mentale, notamment des pensées intrusives, des troubles de l’alimentation et du sommeil, ainsi qu’une perte de confiance envers autrui. Il s’est rendu compte que quelque chose clochait et a donc pris l’initiative de se faire examiner dans un hôpital local. Il a alors reçu un diagnostic de trouble de la personnalité limite et un trouble de stress posttraumatique. Sean n’était pas vraiment convaincu par cette évaluation. « J’ai fait des recherches et je me suis rendu compte que mes symptômes n’avaient rien à voir avec ceux associés à ces troubles. J’en suis toutefois resté là et j’ai continué à vivre ma vie », explique Sean.
Cependant, les choses ne se sont pas améliorées, alors il a quitté l’école et North Bay pour retourner chez ses parents. Il y a trouvé un emploi dans l’industrie alimentaire, mais, en 2021, il a commencé à entendre des voix à la maison et au travail. « Un jour, au travail, j’ai demandé à un collègue s’il avait entendu la même chose que moi parce que je n’arrivais pas à croire que j’entendais ces choses, confie Sean. C’était plutôt inquiétant. »
Les parents de Sean étaient extrêmement inquiets. « Je voyais tout le temps sur leur visage des signes d’une extrême inquiétude – c’était dur pour mes parents, ajoute Sean. Il y a des moments où je me suis emporté. J’ai commencé à leur crier après parce que dans ma tête, j’avais l’illusion qu’ils faisaient partie de tout ça, c’estàdire qu’ils faisaient partie de la raison qui m’amenait à me sentir ainsi. Je ne leur avais jamais parlé de la sorte auparavant; c’était absolument inhabituel. »
Sean explique que les voix étaient aiguës. « Ce n’étaient pas des voix humaines. Elles ressemblaient plutôt à un sifflement de chien. Et j’entendais des phrases complètes. »
Découverte du programme d’intervention au premier épisode de psychose On avance
Préoccupé par ce qui se passait, il a fini par se rendre au Service d’urgence de L’Hôpital d’Ottawa au Campus Civic. Le programme de l’Hôpital en matière de santé mentale est conçu pour diagnostiquer et traiter des maladies mentales graves dès les premiers signes. Il compte deux services d’urgences psychiatriques et 96 lits d’hospitalisation de courte durée, ce qui en fait le plus grand fournisseur de soins de courte durée en santé mentale de la région et souvent le premier endroit vers lequel se tournent les personnes en crise de santé mentale. À son arrivée, le personnel l’a dirigé vers le programme d’intervention au premier épisode de psychose On avance.
« Il est important de savoir que l’un des premiers symptômes de la schizophrénie est la perte de la capacité à reconnaître que quelque chose ne va pas. »
Entretien avec le Dre Sarah Brandigampola
La Dre Sarah Brandigampola, psychiatre à L’Hôpital d’Ottawa, se souvient de sa première rencontre avec Sean. « Il était très malade. Il a la chance d’avoir des parents qui savaient qu’il se passait quelque chose et qui essayaient de l’aider. On craignait pour sa sécurité, mais jusqu’à ce moment-là, on lui avait dit qu’il ne répondait pas aux critères de certaines cliniques, expliquetelle. À notre première rencontre, Sean était malade depuis au moins un an, voire plus. »
C’est en février 2022 que Sean a finalement reçu le diagnostic de schizophrénie. Il éprouvait des hallucinations auditives, selon la Dre Brandigampola. « Entendre des gens vous parler, même lorsque vous êtes seul, est très angoissant. Il est important de savoir que l’un des premiers symptômes de la schizophrénie est la perte de la capacité à reconnaître que quelque chose ne va pas. »
Il s’agit d’un phénomène neurologique appelé anosognosie. « Vous avez beau dire à une personne atteinte d’anosognosie que les voix ne sont pas réelles ou qu’on ne la suit pas, elle ne peut pas le comprendre », ajoute la Dre Brandigampola.
Il s’avère que les premiers symptômes de Sean sont apparus lorsqu’il était à North Bay. Ils ressemblaient beaucoup à ceux d’une dépression : il n’arrivait pas à se concentrer et commençait à perdre toute motivation pour aller à l’école et sortir avec ses amis. La Dre Brandigampola explique que c’est très typique des premiers stades de la schizophrénie : les gens commencent à s’isoler et à se désintéresser de tout. Cela peut durer des mois, voire des années, avant que les voix ou les délires se manifestent. C’est à ce moment-là que de nombreuses personnes se tournent vers les drogues ou l’alcool pour soulager leur douleur. C’est exactement ce qui s’est passé dans le cas de Sean.
Soulagement au moment du diagnostic de schizophrénie
Sean a ressenti un certain soulagement lors du diagnostic. « C’était comme une validation – tu n’es pas seul. C’est une maladie connue et de l’aide est disponible; donc c’était vraiment un soulagement. »
« C’était comme une validation – tu n’es pas seul. C’est une maladie connue et de l’aide est disponible; donc c’était vraiment un soulagement. »
Maintenant inscrit au programme On avance, Sean disposait d’une équipe complète de professionnels prêts à l’aider. Le programme est axé sur le rétablissement. La rémission est une étape du processus visant à éliminer les symptômes, mais le rétablissement est l’objectif – amener le patient à reprendre le contrôle de sa vie en ce qui concerne l’école, le travail, les relations et les loisirs. « Nous voulons qu’il mène une vie qui ait un sens pour lui et qu’il puisse continuer de travailler à atteindre ses objectifs. »
La première étape du traitement consiste à trouver un médicament qui fait taire les voix. Cela peut prendre un certain temps, mais Sean a bien réagi. Sa situation s’est nettement améliorée lorsqu’il est passé d’un traitement oral à une injection mensuelle dont l’action est de longue durée. Cela élimine le risque d’oublier de prendre un comprimé.
Une équipe complète
Un autre membre de l’équipe de soins de Sean est un neuropsychologue qui réalise des évaluations cognitives. Ce volet a aidé à préparer Sean pour un objectif très important pour lui : le retour à l’école.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, Sean s’est inscrit à temps partiel à l’Université Carleton pour se spécialiser en psychologie en septembre 2022 – soit seulement sept mois après son diagnostic. « Malgré la gravité de sa maladie et son isolement prolongé, les groupes ont aidé Sean à redevenir actif et à se motiver. Il s’est demandé ce qu’il voulait pour sa vie », explique la Dre Brandigampola.
L’ergothérapie a également contribué à la réussite de Sean. « Melissa m’a aidé à atteindre le niveau nécessaire pour commencer l’école. Elle m’a aidé à prendre rendez-vous avec des conseillers universitaires pour déterminer le type de crédits dont j’avais besoin pour continuer mes études. Elle m’a même aidé à choisir mes cours », précise Sean.
L’équipe compte également dix cliniciens, dont cinq infirmières autorisées et cinq travailleuses sociales. Maeve Blake, travailleuse sociale, a été l’une des cliniciennes de Sean pendant ses 18 premiers mois au sein du programme. Son rôle consiste à superviser, à conseiller et à soutenir les patients comme Sean tout au long du programme. « Le clinicien travaille en étroite collaboration avec le patient et sa famille, si toutes ces personnes le souhaitent. Nous pouvons fournir une psychoéducation sur la schizophrénie, expliquer à quoi peut ressembler le rétablissement, ainsi que renseigner sur la façon dont les clients peuvent promouvoir leur propre rétablissement et ce qui est utile en ce qui concerne la modification du mode de vie, le soutien social, la consommation de substances – ce genre de choses », explique Maeve.
Mettre les patients sur le chemin de la réussite
On dresse de petits objectifs pour le patient afin de l’aider à se mettre sur le chemin de la réussite. « L’activation comportementale a constitué un élément important du travail effectué avec Sean au début. Nous avons travaillé sur des horaires d’activités et avons examiné comment sa consommation de substances à l’époque compromettait son rétablissement et l’atteinte des objectifs », ajoute Maeve.
« Sean voulait retourner à l’école et obtenir son diplôme. Nous avons donc mis l’accent sur ces objectifs. Nous nous concentrons sur ce qui est important pour le client, poursuit Maeve. L’idée n’est pas de leur imposer des objectifs, mais plutôt d’apprendre à les connaître. Je lui ai demandé de m’aider à comprendre sa vie et ce qui comptait pour lui. »
Il existe des thèmes communs aux patients, mais le personnel adopte une approche véritablement adaptée aux besoins de chaque patient.
La première année du programme est axée sur le rétablissement et la stabilisation. La deuxième année, on passe à l’établissement d’objectifs et au soutien pour aider le patient à les atteindre. La troisième et dernière année, l’équipe de soins commence à prendre du recul afin de transférer le suivi du patient à son médecin de famille.
Ce programme spécialisé a donné d’excellents résultats pour Sean, qui en est actuellement à sa deuxième année. Maeve explique qu’il a toujours été motivé intérieurement pour aller mieux, et admet que ce n’est pas toujours le cas. « Ce qui a été très agréable, à mesure que les symptômes de Sean étaient mieux contrôlés, c’est de voir à quel point il est chaleureux et sincère. Voir sa vraie personnalité réapparaître a été merveilleux et encourageant. »
« Ce jeune homme a retrouvé sa vie. Cette famille a retrouvé son fils. Voilà la preuve que ces types d’interventions sont efficaces. »
En ce qui concerne l’amélioration des patients, Maeve n’hésite pas à souligner la portée du programme, et elle en attribue tout le mérite à l’engagement du patient. « Le soutien global que nous offrons en plus des soins psychiatriques est phénoménal. Je ne connais aucun autre programme qui propose une approche aussi complète et holistique. « Ce jeune homme a retrouvé sa vie. Cette famille a retrouvé son fils. Voilà la preuve que ces types d’interventions sont efficaces. »
« Je ne sais pas où je serais aujourd’hui sans ce programme. »
« Nous y offrons des soins de calibre mondial, ce que je souhaiterais pour tout le monde et certainement pour mes proches. »
La Dre Brandigampola souligne que le programme accepte la demande de toute personne qui s’inquiète pour elle-même ou un proche. Il suffit d’appeler au programme On avance et de demander une consultation (formulaire en Anglais seulement).
Dans le cas de Sean, le traitement se poursuivra toute sa vie. La Dre Brandigampola espère que les percées en recherche à mesure qu’il vieillira – dont celles réalisées à L’Hôpital d’Ottawa – fourniront aux patients comme lui encore plus d’options.
Pour l’instant, le programme On avance constitue une étape importante. « C’est un programme essentiel pour les patients atteints de schizophrénie. Nous y offrons des soins de calibre mondial, ce que je souhaiterais pour tout le monde et certainement pour mes proches. »
Si une personne a besoin d’aide :
Toute personne peut demander l’accès au programme On avance au https://www.accessmha.ca/fr-ca. C’est un service centralisé d’accès à tous les soins en santé mentale (consommation de substances, anxiété, dépression, etc.) à Ottawa.
Numéro de la ligne en cas de crise : 1-866-996-0991