Publié : août 2023

Pendant près d’un an, la dernière chose dont s’est souvenue Aida Attar d’un séjour au chalet d’amis en août 2022, c’est de s’être arrêtés à Smith Falls pour prendre une collation. Puis, plus rien, jusqu’à son réveil aux Soins intensifs du Campus Civic, deux mois plus tard. Elle avait été héliportée jusqu’au Centre de traumatologie de L’Hôpital d’Ottawa après avoir convulsé en nageant, risquant ainsi de se noyer. Bien qu’elle ait pu être réanimée, cette jeune femme était entre la vie et la mort, et de nombreuses équipes de spécialistes ont tout fait pour la sauver. C’était un jour de fin d’été, au mois d’août. L’étudiante universitaire de 18 ans nageait dans un lac avec son amie, Taylor. Taylor a depuis expliqué à Aida qu’alors qu’elles étaient toutes les deux dans l’eau, qu’Aida avait commencé à fixer le vide. « Soudainement, j’ai commencé à regarder dans le vide. Le quai flottant s’est dérobé sous mes pieds et j’ai coulé. Mon amie a sans doute pensé que je plongeais ma tête dans l’eau pour me rafraîchir, mais elle m’a attrapée par les cheveux et m’a remontée à la surface », explique Aida. Ce que personne ne savait alors, c’est qu’elle avait fait des convulsions, ce qui l’avait privée de ses moyens et l’avait fait couler.

À partir de ce moment-là, les événements se sont enchaînés pour tenter de réanimer la jeune femme. Alors que l’amie d’Aida faisait en sorte de garder sa tête hors de l’eau, la mère de Taylor s’est jetée à l’eau pour essayer de ramener sur la terre ferme Aida inanimée. Dans l’intervalle, son grand-père a enfourché un VTT pour aller à la rencontre des ambulanciers, qui avaient été contactés et tentaient d’atteindre au plus vite cette zone éloignée.

Les secours en route, d’importants efforts ont continué dêtre déployés pour tenter de réanimer Aida, notamment la réanimation cardiorespiratoire. Elle a alors commencé à vomir et, comme ses mâchoires étaient contractées, elle aspirait son vomi. C’était une situation terrifiante pour toutes les personnes présentes qui essayaient désespérément de venir en aide à Aida.

Une course contre la montre

Les ambulanciers ont conduit de toute urgence la jeune femme, toujours inaminée, à l’Hôpital du district de Perth et de Smiths Falls. Les membres de la famille d’Aida, dont plusieurs ont un chalet dans les environs, se sont vite réunis à son chevet, parmi lesquels sa tante, la Dre Catherine Mann.

Aida a été heureusement réanimée et son état s’est stabilisé grâce à une équipe dirigée par la Dre Annelise Miller. Il a été décidé qu’elle avait besoin de soins spécialisés, et Aida a été héliportée jusqu’au Campus Civic de L’Hôpital d’Ottawa, où se trouve le seul centre de traumatologie pour adultes dans la région.

Les soins qui lui ont été prodigués à Smiths Falls ont été déterminants dans la suite de sa prise en charge, de dire la Dre Erin Rosenberg, intensiviste à L’Hôpital d’Ottawa. « L’équipe de Smiths Falls a fait un travail absolument incroyable en matière de réanimation. Quand elle nous a été confiée, son SDRA, ou syndrome de détresse respiratoire aiguë, était si grave que nous ne pouvions pas lui fournir suffisamment d’oxygène, même avec le ventilateur, se souvient-elle. C’est pour cela qu’elle a dû être prise en charge par l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa afin de bénéficier de l’assistance cardiorespiratoire extracorporelle (ECMO) ».

L’équipe du Campus Civic, dirigée par le Dr Akshai Iyengar, a réussi à stabiliser l’état d’Aida, avant de la transférer à l’Institut de cardiologie en empruntant les tunnels de l’hôpital. Elle a été branchée à l’appareil ECMO, et l’attente a alors commencé.

Aida Attar at the Civic Campus of The Ottawa Hospital.
Aida Attar au Campus Civic de L’Hôpital d’Ottawa.

Un appareil ECMO (une technique d’assistance cardiorespiratoire extracorporelle) extrait le sang désoxygéné du corps du patient à l’aide d’un appareil de circulation extracorporelle afin d’en retirer le dioxyde de carbone, avant de réinjecter le sang ainsi oxygéné, après l’avoir fait passer à travers un réchauffeur pour rétablir la normothermie sanguine. Cet appareil permet au sang de contourner le cœur et les poumons, en les mettant au repos et en leur permettant de guérir.

Plongée dans un coma artificiel, Aida est restée branchée à l’appareil pendant 35 jours, alors que sa famille vivait une attente insoutenable. « Je remercie l’Institut de cardiologie de tout ce qui a été fait pour me permettre d’être branchée à l’appareil ECMO, et de ne pas avoir baissé les bras pendant tout ce temps-là », dit Aida.

Dr. Erin Rosenberg
La Dre Erin Rosenberg travaille aux Soins intensifs de L’Hôpital d’Ottawa.

L’avantage de sa jeunesse

La première lueur d’espoir a jailli lorsque Aida a pu être débranchée de l’appareil ECMO et revenir aux Soins intensifs du Campus Civic – c’était début octobre. Son état demeurait toutefois critique. C’est à ce moment-là que la Dre Rosenberg a rencontré Aida pour la première fois.

« Nous voyons des personnes très malades aux Soins intensifs, mais il est rare d’y croiser des personnes aussi jeunes qu’elle. Dans un tel cas de figure, les attentes sont encore plus grandes – la personne n’est qu’au tout début de sa vie ».

– Dre Erin Rosenberg

« Nous voyons des personnes très malades aux Soins intensifs, mais il est rare d’y croiser des personnes aussi jeunes qu’elle. Dans un tel cas de figure, les attentes sont encore plus grandes – la personne n’est qu’au tout début de sa vie ».

L’âge d’Aida a aussi été un avantage pour elle. « À l’époque, j’ai dit à ses parents que la situation aurait été complètement différente si elle avait 40 ou 60 ans. Je ne pense pas qu’elle serait encore en vie, se souvient la Dre Rosenberg. C’est son jeune âge qui l’a sauvée. Son cerveau et son corps auront plus de facilité à traverser une telle épreuve qu’une personne plus âgée ».

La famille d’Aida est demeurée à son chevet, à la surveiller et à attendre son réveil. « Elle a eu 19 ans durant cette période, et son corps a beaucoup enduré, se rappelle sa tante, la Dre Mann. Elle a été sédatée pendant cinq semaines. Elle en a été sortie doucement; ses poumons ont du alors réapprendre à fonctionner sans assistance. C’est très progressivement que l’équipe de soins l’a débranchée du ventilateur. Au début, pendant 30 minutes, puis pendant 2 heures, et ainsi de suite ».

Un système affaibli et un état confus

Lorsque Aida a enfin repris connaissance, elle était affaiblie après avoir passé deux mois dans un état critique. « Je n’avais plus de tonus musculaire. J’avais besoin d’aide pour m’asseoir. Je ne pouvais pas marcher. Je pense ne même pas avoir pu bouger mes bras pour me gratter parce que j’étais trop faible ».

« Je n’arrivais pas à mémoriser l’information, d’ajouter Aida. Je trouvais cela difficile, mais l’équipe m’a aidée à traverser ces moments, notamment une physiothérapeute, Michelle Cummings. Elle a considérablement contribué à mon rétablissement ».

– Aida Attar

Le système immunitaire d’Aida était également affaibli et elle risquait d’attraper des infections. Il lui arrivait souvent d’ouvrir les yeux et d’être très confuse. « Qu’elle entrouvre à peine les yeux ou qu’elle les garde fermés, nous la rassurions quant à ce qui lui était arrivé et lui indiquions où elle se trouvait, même s’il fallait le faire à de nombreuses reprises, de dire la Dre Rosenberg. Tout comme si c’était la première fois qu’elle l’entendait de nouveau ».

Aida a fini par quitter les Soins intensifs pour l’Aire de surveillance intensive (ASI) où elle a séjourné pendant environ une semaine. C’est alors que le tube de trachéotomie, le cathéter et la sonde d’alimentation lui ont été retirés; elle a ainsi pu recommencer à s’alimenter toute seule.

Malgré quelques signes d’amélioration et sa prise en charge par une exceptionnelle équipe de soins, Aida se souvient d’avoir connu des hauts et des bas. « Je me sentais très seule. Même quand ma famille passait 23 heures et 59 minutes de la journée à mon chevet, cette minute semblait une éternité. J’étais timide, et je ne comprenais pas ce qui se passait. Je n’arrivais pas à mémoriser l’information, d’ajouter Aida. Je trouvais cela difficile, mais l’équipe m’a aidée à traverser ces moments, notamment une physiothérapeute, Michelle Cummings. Elle a considérablement contribué à mon rétablissement ».

Aida Attar et Michelle Cummings.

La contribution du Centre de réadaptation au rétablissement d’Aida

Le système CAREN

Le système CAREN est un environnement de réadaptation assistée par ordinateur. Ce système de pointe permet aux patients d’explorer des mises en situation en 3D sur des écrans géants à 180 degrés qui fonctionnent conjointement avec une plateforme mobile, un tapis roulant contrôlé à distance et une sonorisation ambiophonique.

Au fur et à mesure qu’Aida continuait à se rétablir, elle a commencé à comprendre le caractère complexe de ce que son corps avait traversé à cause de son expérience traumatisante. À la mi-novembre, elle était transférée au Centre de réadaptation du Campus Général de L’Hôpital d’Ottawa, ce qui allait être une autre étape importante dans le rétablissement d’Aida.

Les soins prodigués au Centre de réadaptation avaient un double aspect : aider son corps et son cerveau à se rétablir. Une partie du réapprentissage de la marche autonome a consisté à recourir au système CAREN, un système de réalité virtuelle en 3D, unique en son genre, financé grâce au soutien communautaire en partenariat avec les Forces armées canadiennes Mais en raison de sa lésion cérébrale anoxique, résultant d’une perte totale de l’apport en oxygène dans le cerveau alors qu’elle était sous l’eau, une grande partie de la réadaptation d’Aida a porté sur le traitement de sa lésion cérébrale. « Ma mémoire était très parcellaire; je n’avais aucune mémoire à court terme, dit Aida. Mes propos étaient confus. Mon cerveau ne réfléchissait pas et avait besoin d’aide ».

Après tout ce qu’elle a traversé, le 8 décembre 2022, Aida a pu rentrer chez elle. Elle est sortie en marchant du Centre de réadaptation sans la moindre aide, et sa mémoire a continué de s’améliorer. La Dre Rosenberg ne s’attendait pas à un rétablissement aussi fulgurant.

« Elle a en fait dépassé nos attentes quant à la rapidité de son rétablissement ».

– Dre Erin Rosenberg

« Je me revois dire à sa famille de s’attendre à ce qu’elle reste aux Soins intensifs jusqu’en décembre et sans doute encore plus longtemps à l’hôpital. Elle a en fait dépassé nos attentes quant à la rapidité de son rétablissement ».

De nos jours, Aida retrouve doucement sa vie d’avant; elle est plus forte chaque jour. Elle conduit de nouveau, travaille dans le commerce de détail, et songe à poursuivre ses études en neurosciences cet automne à l’Université Carleton. « J’avais terminé ma première année d’études universitaires avant mon accident. J’ai travaillé comme assistante de recherche dans un laboratoire de neurosciences à Carleton au cours de l’été 2022. Je travaillais en fait à l’époque sur un projet portant sur les lésions cérébrales traumatiques ».

Une profonde gratitude à l’égard des personnes qui lui ont sauvé la vie

S’il est vrai qu’elle garde peu de détails de la première partie de son hospitalisation, Aida remercie l’équipe qui lui a donné une chance de s’en tirer. « Sans tout ce qu’ils ont fait pour moi, je serais morte. Les médecins n’ont pas lésiné sur les moyens. Tant de choses ne se sont pas passées comme prévu. J’ai fait des infections du sang et des réactions allergiques; j’étais tout simplement dans un sale état. Ils n’ont pas baissé les bras et n’ont pas perdu espoir. Ils me prodiguaient des soins de niveau supérieur, sans lesquels je ne m’en serais certainement pas sortie ».
Aida Attar at home with her family.
Aida Attar chez elle, parmi les siens.

« L’équipe de soins travaille sans relâche, et ces personnes ont travaillé sans relâche. Nous sommes très reconnaissants envers tous et nous remercions, en particulier, les Drs Iyengar et Rosenberg. Cette situation a été traumatisante pour toute notre famille, et cette équipe n’a jamais baissé les bras pour Aida ».

– Dre Catherine Mann

Des soins exceptionnels ont été fournis jusqu’au bout, ce qui n’est pas passé inaperçu aux yeux de la Dre Mann. « Elle a été entourée d’un très grand nombre de personnes extraordinaires et, parmi elles, de quelques-unes encore plus extraordinaires. Lorsque Aida est arrivé au Campus Civic, le Dr Iyengar y était, entièrement dévoué. La Dre Rosenberg a été présente chaque fois que Aida est revenue aux Soins intensifs du Campus Civic en octobre, et à de nombreuses autres reprises ».

C’est ce qui a poussé la Dre Mann, médecin à L’Hôpital d’Ottawa pendant 22 ans, à faire un don à L’Hôpital d’Ottawa, pour remercier l’équipe qui avait sauvé la vie de sa nièce. « L’équipe de soins travaille sans relâche, et ces personnes ont travaillé sans relâche. Nous sommes très reconnaissants envers tous et nous remercions, en particulier, les Drs Iyengar et Rosenberg. Cette situation a été traumatisante pour toute notre famille, et cette équipe n’a jamais baissé les bras pour Aida ».

Pour la Dre Rosenberg, une histoire qui finit bien est ce qu’elle aime dans son travail. Bien que cela ne soit pas toujours le cas, quand cela arrive, c’est gratifiant pour toute l’équipe. « Aida est venue faire un tour aux Soins intensifs il y a quelques semaines de cela, juste pour dire bonjour. Tout le monde a été ravi de la voir; toutes les infirmières se souviennent de la patiente qu’elle a été. C’est très très gratifiant pour nous d’être témoins d’histoires qui se finissent bien. Et je pense que c’est ce qui explique pourquoi nous le faisons ».

Aida Attar returning to the water for the first time since her seizure.
Aida Attar se remet à l’eau pour la première fois depuis qu’elle a convulsé.

Retour à l’eau

Fin mai 2023, Aida est allée rendre visite à sa tante à son chalet et elle s’est baignée pour la première fois depuis son accident. En sentant l’eau froide sur ses pieds et ses jambes, des souvenirs lui sont revenus. « Je me suis aussitôt revue dans l’eau avec Taylor. Cela m’a ramenée en arrière, au jour de mon accident, et cela m’a ébranlée parce que je ne pensais pas m’en souvenir ».

S’il est vrai qu’elle est ravie d’avoir retrouvé sa vie d’avant, il demeure une zone d’ombre quant à la cause de ses convulsions ce jour-là. Elle continue de faire des examens médicaux, mais pour le moment, elle prend des précautions en portant notamment un gilet de sauvetage pour nager. « Cela reste difficile pour moi. Avoir traversé tout cela et ne pas savoir pourquoi cela est arrivé ».

Elle sait, par contre, qu’elle ne serait pas là sans toutes les personnes qui ont contribué à son rétablissement, et elle leur en est reconnaissante.