Le cancer du sein étant l’un des cancers les plus courants, il n’y a donc rien de surprenant à ce qu’il fasse l’objet de beaucoup de sensibilisation. Il n’en est certes probablement pas de même pour les remarquables chercheurs et médecins qui changent la façon dont nous diagnostiquons et traitons le cancer du sein au quotidien. L’Hôpital d’Ottawa est fier de compter l’un d’entre eux dans ses rangs. La Dre Jean Seely y est chef du Service d’imagerie du sein et chercheuse clinicienne au sein du Programme d’épidémiologie clinique. La carrière de la Dre Seely repose sur le fait de rapprocher la recherche des soins aux patients afin d’obtenir de meilleurs résultats et de réduire le taux de mortalité des patientes atteintes d’un cancer du sein en améliorant le dépistage et le diagnostic.

Lisez la suite pour découvrir l’innovation de science-fiction et le moment familial personnel qui ont poussé la Dre Seely à devenir radiologiste spécialisée en imagerie du sein.

Q : Avez-vous toujours su que vous vouliez être médecin et, en particulier, radiologiste spécialisée en imagerie du sein?

J’ai grandi dans une famille de médecins, et c’est depuis l’âge de 5 ans que je veux devenir médecin. Ma maman exerçait la médecine familiale, et mon papa était spécialiste du rein et travaillait dans le domaine des soins palliatifs. Mon grand-père, qui était chercheur et médecin, disait toujours que la médecine était le meilleur métier au monde – il permettait de parcourir le monde, d’enseigner, de faire de la recherche et de traiter des patients.

Je savais que je voulais m’orienter vers la médecine, mais je ne connaissais pas grand-chose de la radiologie. À la fin de mes études de médecine à Montréal, à l’Université McGill, j’ai fait un internat de médecine générale à Vancouver et c’est à ce moment-là que j’ai pris conscience du fait que j’aimais diagnostiquer avec mes propres yeux – pour poser des diagnostics précoces. Je me revois regarder l’épisode de Star Trek dans lequel ils utilisaient ces machines pour poser des diagnostics, et je me suis dit que c’était ce que je voulais faire. [NDLR : ces machines sont des tricordeurs.]

Ma grand-mère est décédée d’un cancer du sein alors que j’avais 4 ans. Son cancer a été diagnostiqué à ses 40 ans et s’est métastasé à ses 60 ans. Comme elle a beaucoup pris soin de moi, j’ai été très proche d’elle. À bien y repenser, je me dis qu’elle a joué un rôle prépondérant dans mon choix de carrière.

Q : Dans quelle mesure le domaine de la radiologie spécialisée en imagerie du sein a-t-il changé depuis vos débuts?

R : C’est impressionnant! Quand je suivais mes études de médecine dans les années 1980, c’est l’époque où se faisait l’Étude nationale sur le dépistage du cancer du sein. Avant cela, personne n’avait vraiment jamais parlé de dépistage; la qualité des mammographies importait peu. Une personne se faisait opérer pour se faire enlever une tumeur, et ensuite elle apprenait si c’était ou non un cancer.

« L’intelligence artificielle peut non seulement nous aider à prévoir le risque, mais aussi contribuer à améliorer de 20 % l’exactitude de la lecture des mammographies. »

— Dre Jean Seely

Nous disposons aujourd’hui de tous ces outils qui nous permettent de voir le cancer avant qu’il soit palpable. Dans les années 1990, nous avons commencé à utiliser l’IRM pour le cancer du sein, ce qui est fondamentalement l’examen le plus sensible pour dépister ce cancer. Nous utilisons à présent l’échographie pour le dépister ainsi que guider l’aiguille lors d’une biopsie.

Nous disposons même de l’intelligence artificielle, et nous pouvons utiliser les composantes d’imagerie, les pixels qui sont sous le seuil de l’œil pour prédire si une personne aura ou non un cancer du sein. L’intelligence artificielle peut non seulement nous aider à prévoir le risque, mais aussi contribuer à améliorer de 20 % l’exactitude de la lecture des mammographies. Certaines personnes disent que l’intelligence artificielle remplacera un jour les radiologistes, mais cela ne m’inquiète pas du tout. Nous offrons beaucoup de soins centrés sur le patient. Nous parlons aux patients, faisons des biopsies, de l’exploration – beaucoup de soins pratiques sont offerts aux patients.

Q : Vous dirigez l’essai de dépistage par imagerie de tomosynthèse mammaire (TMIST) qui vient d’atteindre 2 000 participants. Pouvez-nous nous en dire un peu plus à ce sujet?

R : L’essai TMIST est une étude multicentrique menée dans des hôpitaux du monde entier. Notre objectif est de recruter 160 000 patients, et nous en sommes à 100 000. L’Hôpital d’Ottawa recense 2 000 de ces patients.

Comme il s’agit d’un essai clinique randomisé, les patients sont répartis en deux groupes : le premier groupe participe au dépistage régulier du cancer du sein à l’aide de mammographies en 2D, tandis que le second groupe utilise la tomosynthèse en 3D, qui fait appel à une technologie différente.

La tomosynthèse n’est pas une vraie image en 3D, parce qu’elle ne couvre pas tout le sein, mais c’est une pseudo-image en 3D qui nous permet d’obtenir un grand nombre d’images en utilisant une très faible dose de rayonnement. Avec l’imagerie 2D, la compression du sein peut parfois provoquer un chevauchement des tissus et faire croire en la présence d’une tumeur ou d’une densité des tissus dissimulant un cancer. La technique en 3D permet de réduire le nombre de rappels pour dépistage anormal – ceux qui n’aboutissent pas à un diagnostic de cancer – et d’augmenter de 40 % le pourcentage de détection de ce cancer. C’est gagnant-gagnant, car vous obtenez moins de résultats anormaux qui sont en vérité des cellules normales, et plus de résultats anormaux qui sont en fait des cellules cancéreuses anormales.

Certaines personnes pourraient dire « Pourquoi l’étudiez-vous si vous savez que c’est tellement mieux? ». Nous ne l’avons certes pas étudiée dans le cadre d’un essai clinique randomisé sur un grand échantillon de la population. Nous tentons de savoir si cela permet de faire baisser le pourcentage des cancers du sein à un stade avancé au bout de huit ans, et si un large échantillon de personnes en bénéficiera.

Q : Que fait L’Hôpital d’Ottawa en matière de radiologie et de santé mammaire qui est palpitant ou révolutionnaire?

R : Ce que j’aime de L’Hôpital d’Ottawa, c’est cette attitude constante de vouloir figurer parmi les meilleurs et de viser l’excellence – de tenter des choses et de travailler ensemble pour que cela se concrétise. Ce ne sont pas nécessairement les médecins qui sont aux commandes; c’est essentiellement une relation paritaire entre les administrateurs et les médecins.

Je travaille ici depuis 2001, et lorsque j’assiste à des réunions ou autres, je me rends compte que ce n’est pas la norme. Ce genre d’approche coopérative en matière d’innovation et d’excellence est quelque chose dont nous devrions être très fiers.

Plus particulièrement, nous avons mis en œuvre des choses comme une localisation améliorée des tumeurs détectées lors d’un examen de dépistage. Cela peut sembler barbare aujourd’hui, mais nous insérions autrefois une tige dans le sein de la patiente le jour de son intervention chirurgicale, et cette tige restait ainsi suspendue. Elle servait à localiser la tumeur avant son ablation. Désormais, à la place d’une tige, nous utilisons un minuscule « grain », de la taille d’un grain de riz, et une très petite dose de rayonnement. Le chirurgien utilise un compteur Geiger pour la trouver. Cela permet de faire des économies, de réduire le temps d’attente et d’accroître la satisfaction des patients – cela a vraiment révolutionné l’approche. Nous sommes le troisième établissement hospitalier au Canada à l’avoir fait.

Nous avons aussi réduit le temps nécessaire pour faire une IRM. Nous dépistions les femmes à très haut risque ou celles ayant des tissus mammaires denses pendant 45 minutes. Nous avons réduit ce temps à 12 minutes. Nous avons constaté une nette amélioration sur le plan de la satisfaction des patients, des résultats obtenus et des moyens. La recherche y est pour une grande part. Là aussi, nous avons été l’un des pionniers au Canada.

Q : Quels conseils donneriez-vous à une personne nouvellement diagnostiquée et comment lui répondriez-vous?

R : Quand je parle aux patients en général, il est important que l’espoir soit toujours de mise.

C’est très important de le faire pour pouvoir effacer une partie des craintes liées à l’annonce du diagnostic de cancer du sein. Une femme sur huit aura un cancer du sein. Bien que personne ne souhaite y faire face, il est impossible de l’ignorer. Nous disposons de ces excellents outils et de personnes remarquables qui se sont engagées à le diagnostiquer et à le traiter. C’est en tout cas mon souhait, celui de servir d’encouragement.

Le Centre de santé du sein Rose Ages est déterminé à offrir un niveau exceptionnel de soins à ses patients en faisant preuve pour chaque cas d’excellence médicale, d’expertise dans la pratique et de compassion.

Malheureusement, des personnes se présentent très tardivement, et lors du diagnostic, leur cancer s’est déjà propagé. C’est encore plus difficile pour nous d’y faire face. C’est l’une des raisons qui me poussent à faire tant de recherche – pour n’avoir de cesse de faire baisser le pourcentage des cancers à un stade avancé.

Le mot-clé, c’est la compassion. Mon père qui était médecin en soins palliatifs me disait toujours qu’il avait appris beaucoup de la vie en côtoyant la mort.

Q : Que faites-vous quand vous n’êtes pas à l’hôpital?

R : Mes deux enfants, mon extraordinaire mari ainsi que mes amis et mes trois frères et sœurs m’inspirent beaucoup. Vous pourriez me croiser, à vélo, dans le parc de la Gatineau. J‘aime aussi skier; faire du ski de fond ou du ski de descente. Faire de l’exercice en plein air me fait le plus grand bien. J’aime aussi lire – toutes les bonnes histoires – un jour, j’écrirai un livre.

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