Mettre un enfant au monde est une expérience qui transforme une vie. Elle peut nous apporter énormément de joie et d’enthousiasme, mais aussi de nouvelles sources de stress, d’anxiété et d’autres types de détresse émotionnelle.
Bien des gens doivent relever des défis uniques en matière de santé mentale et émotionnelle pendant la période immédiatement avant, pendant et après la grossesse. Pour comprendre pourquoi il est tellement important de trouver du soutien pour relever ces défis, il faut comprendre ce à quoi peuvent ressembler ces défis.
Qu’est-ce que la santé mentale périnatale?
La santé mentale périnatale fait référence à la période avant, pendant et après la grossesse. Pendant cette période, la santé mentale peut être compromise par tout problème lors de la planification et de la gestion de la grossesse et de la nouvelle parentalité pour une personne qui a déjà un trouble comme la dépression, un trouble bipolaire, un trouble obsessionnel compulsif (TOC) ou la schizophrénie. Des problèmes de santé mentale nouveaux ou différents peuvent aussi apparaître au cours de cette période. Une personne sur cinq aura une maladie mentale périnatale à un moment donné de sa grossesse ou de l’année qui suit l’accouchement. Pendant la pandémie de COVID-19, ce nombre est passé à une personne sur trois. Le nombre est encore plus élevé dans les communautés autochtones, noires et 2SLGBTQ+, ainsi que chez les personnes qui ont des problèmes financiers ou qui sont victimes de violence conjugale.
Une maladie mentale non traitée ou mal traitée durant la grossesse entraîne directement des changements dans le développement cérébral du fœtus. La santé mentale des parents est le plus solide indicateur du bien-être émotionnel et comportemental ultérieur du bébé.
Pour veiller à sa santé mentale périnatale, la personne qui présente déjà un problème de santé mentale peut discuter avec son médecin des médicaments et d’autres stratégies avant d’essayer de concevoir un enfant. Par exemple, contrairement à la croyance populaire, il n’est pas toujours nécessaire d’arrêter de prendre des médicaments en cas de grossesse. Il faut toutefois aborder la question du dosage et du type de médicament avant la grossesse et discuter en détail des risques, des avantages et des ajustements possibles du dosage et du type de médicament avant la conception.
Quels sont les défis les plus fréquents pour la santé mentale périnatale?
Syndrome du troisième jour (Baby Blues)
La détresse émotionnelle la plus courante est le syndrome du troisième jour (baby blues) et peut survenir dans 50 % à 85 % des cas après la naissance. C’est une réaction normale aux changements hormonaux après la naissance, au manque de sommeil et à l’adaptation à de nouvelles routines et responsabilités. Les symptômes peuvent inclure des sautes d’humeur, des pleurs sans raison, un sentiment d’être dépassé, de l’anxiété ou de l’irritabilité et des troubles du sommeil. Ce syndrome apparaît généralement trois à cinq jours après l’accouchement, mais il peut survenir plus tôt. Il ne dure pas plus de deux semaines.
Dépression périnatale ou postnatale
La dépression périnatale ou postnatale peut être légère, modérée ou grave. Elle peut survenir à tout moment pendant la grossesse et jusqu’à un an après l’accouchement. Le terme périnatal est donc plus précis que le terme postnatal. Elle survient chez environ 15 % des personnes après l’accouchement et est similaire à la dépression générale. Les symptômes peuvent inclure un sentiment de tristesse ou de colère la plupart du temps, des changements dans l’appétit, un manque d’énergie, un sentiment de désespoir, un détachement des amis et de la famille et des pensées suicidaires ou à faire du mal au bébé, surtout dans les cas graves. Elle dure généralement plus de deux ou trois semaines et, si elle n’est pas traitée, elle peut durer jusqu’à neuf mois.
Anxiété périnatale ou postnatale
L’anxiété périnatale ou postnatale peut survenir en même temps que la dépression périnatale, mais elle est souvent confondue avec celle-ci. Elle peut aussi survenir à tout moment de la grossesse ou jusqu’à un an après l’accouchement. On estime que l’anxiété périnatale se manifeste chez environ 10 % des personnes après l’accouchement, mais il est largement admis que ce pourcentage est sous-estimé.
Psychose postnatale
La psychose postnatale est un trouble rare, mais grave. Une ou deux personnes ayant accouché sur 1 000 peuvent éprouver ce trouble. La psychose postnatale est une véritable urgence médicale. Les symptômes comprennent des pensées et des idées qui ne cadrent pas avec la réalité – généralement centrées sur la santé et la sécurité du bébé – et entendre ou voir des choses qui n’existent pas (comme des voix parlant du bébé ou le menaçant). Les personnes ayant des antécédents de trouble bipolaire, de schizophrénie ou de trouble schizoaffectif ou des antécédents familiaux de psychose postnatale sont plus susceptibles de faire une psychose postnatale.
Trouble de stress post-traumatique périnatal
Les personnes qui ont vécu un accouchement traumatisant ou une perte pendant leur grossesse ou dont le bébé a été amené à l’Unité de soins intensifs néonataux peuvent souffrir du trouble de stress post-traumatique périnatal (TSPT-P). La grossesse est également une période où le risque de violence nouvelle ou accrue de la part du partenaire intime est très élevé. Devenir parent peut réactiver des schémas de traumatismes sexuels, physiques ou émotionnels antérieurs. On estime que 3 % à 16 % des femmes enceintes vont éprouver un TSPT-P.
En quoi consiste le Programme de santé mentale périnatale de L’Hôpital d’Ottawa?
Le Programme de santé mentale périnatale de L’Hôpital d’Ottawa offre un soutien psychiatrique spécialisé aux femmes qui planifient une grossesse, qui sont enceintes ou qui ont accouché au cours de la dernière année et qui ont des problèmes de santé mentale confirmés ou présumés.
Une infirmière praticienne, une sage-femme ou un médecin affilié à L’Hôpital d’Ottawa peut envoyer une demande de consultation en leur nom. Le programme reçoit environ 400 personnes par année et offre des services comme des consultations en prévision d’une grossesse, des thérapies de groupe et un soutien individuel limité pour des cas urgents comme les victimes de violence conjugale, les réfugiés récemment arrivés qui souffrent d’un trouble de stress post-traumatique ou les personnes qui envisagent de mettre fin à leur grossesse ou de donner leur bébé en adoption en raison d’une maladie mentale. Pendant la pandémie de COVID 19, l’équipe du programme a pu proposer des groupes de soutien virtuels sur la manière de préserver sa santé mentale pendant une pandémie.
« Nous apportons un changement direct tant pour l’immédiat que pour l’avenir. Je pense que le travail que nous faisons ici a par la suite une incidence sur la prochaine génération. »
— Dre Jasmine Gandhi
La Dre Jasmine Gandhi est la directrice médicale du Programme de santé mentale périnatale de l’Hôpital. Mère de deux adolescents, elle connaît très bien les joies et les défis de la période périnatale et sait à quel point le soutien en santé mentale peut faire la différence.
« Pour nos mamans et leur famille, bénéficier d’un traitement en santé mentale pendant la période périnatale peut vraiment changer leur vie, explique la Dre Gandhi. C’est une période où la motivation est extrêmement élevée pour les femmes. Elles sont motivées à améliorer leur vie pour le bien-être de leur bébé. Elles s’investissent dans le travail sur elle-même et demandent le soutien nécessaire. C’est un véritable privilège de pouvoir offrir ce soutien à un moment aussi critique de la vie d’une famille. »
La Dre Gandhi a lancé le Programme de santé mentale périnatale en 2007. À l’époque, il s’agissait de l’un des rares programmes au Canada à offrir ce type de soutien. Elle a choisi L’Hôpital d’Ottawa pour ce programme parce que c’est là que se réalise la plus grande partie du travail en obstétrique à haut risque dans la région. Au cours de la dernière décennie, le programme a pris de l’ampleur et compte maintenant trois psychiatres périnataux.
« Quand je suis arrivée à L’Hôpital d’Ottawa, j’étais extrêmement fragile. Mais quand j’en suis repartie, je sentais que j’allais non seulement survivre à une autre journée, mais m’épanouir. »
— Petra Smith
Cette petite mais solide équipe s’occupe de certains des cas les plus graves de troubles mentaux périnataux et offre non seulement un soutien vital, mais aussi la possibilité aux patients de s’épanouir en tant que parents.
La Dre Gandhi estime que le programme prendra encore de l’ampleur. Il est prévu d’offrir un soutien plus ciblé aux personnes qui ont des troubles liés à la consommation de substances. Il représente en somme l’assise d’un plus vaste service dans la région pour les années à venir.
« Nous apportons un changement direct tant pour l’immédiat que pour l’avenir. Je pense que le travail que nous faisons ici a par la suite une incidence sur la prochaine génération. »