Dr. Dilworth received the Chretien Researcher of the Year Award for his research on stem cells and muscle repair.

Il y a plus de dix ans, un homme de 95 ans qui avait fait don de son corps à la science est décédé en France. Et même si son décès remontait à six jours, des chercheurs ont réussi à « réanimer » ses cellules souches musculaires en laboratoire et à les transformer en super cellules capables de fabriquer des tissus musculaires. Cette étude hors de l’ordinaire a inspiré Jeff Dilworth, Ph. D., qui a été fasciné par la capacité des cellules de générer de nouveaux tissus musculaires malgré l’âge du patient à son décès.

M. Dilworth est un scientifique principal au sein du Programme de médecine régénératrice de L’Hôpital d’Ottawa, qui héberge notamment le Centre de recherche sur les cellules souches Sprott et le Centre de médecine régénératrice Sinclair. Il étudie l’épigénétique ou, pour reprendre les mots de M. Dilworth, « ce qui fait que nos cellules souches sont surpuissantes quand nous sommes jeunes et complètement inefficaces quand nous sommes vieux ». Ses recherches lui ont d’ailleurs valu le prix Dr Michel Chrétien du chercheur de l’année de L’Hôpital d’Ottawa en 2021 en raison de l’importante découverte de son équipe en matière de réparation musculaire.

Auparavant, on croyait que les cellules souches musculaires se divisaient de manière équilibrée pour réparer une blessure en créant soigneusement juste assez de fibres musculaires pour réparer les dommages, tout en préservant suffisamment de cellules souches pour de futures réparations.

Les recherches de M. Dilworth ont toutefois démontré qu’en cas de blessure catastrophique, les cellules souches musculaires passent à une vitesse supérieure et privilégient la réparation immédiate plutôt que l’autoconservation. Elles reviennent par la suite remplacer les cellules souches.

Quand il ne mène pas des recherches inédites dans son laboratoire, M. Dilworth fait de la randonnée avec son épouse et leurs deux chiens – un malamute de l’Alaska et un berger des Pyrénées croisé avec un fox-hound – ou suit des cours sur le vin, son autre passion.

Poursuivez votre lecture pour savoir ce qui inspire M. Dilworth, au labo et dans la vie!

Q : Parlez-nous de votre enfance.

R : J’ai vécu mes années formatrices ici, à Ottawa. J’habitais à Beacon Hill et j’allais à l’école primaire catholique Thomas D’Arcy McGee. J’ai deux frères – l’un plus âgé et l’autre plus jeune, donc j’ai le syndrome de l’enfant du milieu. Quand nous étions jeunes, le hockey et les autres sports d’extérieur étaient nos passe-temps. Nous déneigions l’entrée pour jouer au hockey de rue, et la porte du garage a arrêté beaucoup de rondelles! En fait, le baseball était mon sport préféré, mais j’étais meilleur spectateur que joueur. J’adorais les statistiques de baseball et je suivais les statistiques de tous les joueurs. Je pouvais dire comment la moyenne au bâton de n’importe quel joueur allait changer s’il réussissait ou non un coup sûr pendant le match. Au bout du compte, cela m’a été utile plus tard pour me diriger vers la science!

Q : Pouvez-vous nous dire précisément quand vous avez décidé de faire de la recherche en épigénétique?

R : Mon intérêt pour la science s’est développé lentement. Si mes enseignants à l’école D’Arcy McGee apprenaient que j’ai remporté ce prix, ils seraient plutôt surpris. Je n’étais pas particulièrement doué à l’école, mais dès que j’ai suivi mes premiers cours de science, je m’y suis intéressé de plus en plus. J’ai pensé à devenir médecin, mais en commençant à travailler en laboratoire dans le cadre du programme de biochimie de l’Université Queen’s, j’ai goûté au sentiment grisant de faire une expérience et de découvrir quelque chose que personne ne savait. C’est ce qui m’a poussé vers les sciences.

J’ai étudié au doctorat à Queen’s, où j’avais un mentor fantastique : Glenville Jones, Ph. D. C’est lui qui m’a vraiment montré comment canaliser ma passion pour répondre à des questions scientifiques importantes. Ensuite, je suis allé en France. Là-bas, j’ai travaillé avec le professeur Pierre Chambon, qui est célèbre pour ses découvertes qui nous ont permis de comprendre comment les gènes s’activent. C’est à cette époque que nous avons découvert que l’épigénétique est l’un des facteurs qui déterminent si un gène s’active ou se désactive.

Dans un sens, c’est l’épigénétique qui est venue à moi et non l’inverse. Aujourd’hui, 25 ans plus tard, nous comprenons que l’épigénétique est partout et qu’elle contrôle tous les différents mécanismes dans l’organisme.

Q : Pouvez-vous nous parler un peu de l’importance de l’épigénétique pour les gens d’Ottawa et d’ailleurs?

R : Pour comprendre l’épigénétique, on peut penser à la manière dont nous rangeons les vêtements dans nos tiroirs à la maison. On place ceux qu’on ne porte pas très souvent au fond et ceux qu’on porte régulièrement sur le dessus. En gros, il y a une molécule d’ADN d’une longueur d’environ deux mètres enroulée dans le minuscule noyau de chacune de nos cellules. Le noyau prend tous les gènes qui sont nécessaires au fonctionnement de tous les processus de votre corps et les entasse de façon très compacte dans ce tiroir. Il place les gènes dont il ne pense pas avoir besoin au fond du tiroir et ceux qu’il veut utiliser, sur le dessus. Pour déterminer où ranger les gènes, il leur donne des étiquettes, appelées marques (ou traces) épigénétiques. Imaginez que vous placez une étiquette bleue sur tous les chandails que vous ne pensez pas porter et une étiquette rouge sur ceux que vous pensez porter, pour ensuite les ranger selon la couleur.

Les marques épigénétiques réagissent aux facteurs de croissance, c’est-à-dire les protéines qui stimulent la formation de certains tissus, mais aussi aux nutriments que nous absorbons, à notre niveau d’activité physique et au stress que nous vivons. Le plus important est que ces changements épigénétiques sont réversibles. L’alimentation et l’exercice peuvent faire une différence, mais nous pourrions découvrir d’autres moyens de modifier les marques épigénétiques. Nous pouvons aussi exploiter la capacité du corps à effacer ces marques pour combattre le vieillissement et les maladies qui causent l’atrophie des muscles.

Q : Que signifie pour vous le fait de remporter le prix Dr Michel Chrétien du chercheur de l’année?

R : C’est un grand honneur d’être reconnu par mes pairs en recevant ce prix. C’est également très important, car il y a tellement de recherche formidable qui est réalisée à Ottawa. Toutefois, je suis surtout heureux que cette recherche, qui est de nature fondamentale, soit reconnue comme la grande découverte de 2020. Ce n’est pas cela qui fera disparaître les maladies musculaires du jour au lendemain, mais cette découverte nous permet de comprendre le processus de régénération musculaire. De plus, elle nous a vraiment fait réaliser que nous cherchions au mauvais endroit pour améliorer la régénération musculaire. Pour trouver un remède, il faut chercher à la bonne place. Tout cela est très important pour mettre au point de nouveaux médicaments et traitements.

« Pour trouver un remède, il faut chercher à la bonne place. »

— Jeff Dilworth, Ph. D.

Q : Comment envisagez-vous l’avenir de L’Hôpital d’Ottawa?

R : Il se passe beaucoup de choses palpitantes à l’Hôpital, en particulier le nouveau projet Civic. En plus d’avoir un hôpital à la fine pointe, nous aurons aussi un espace de recherche à la fine pointe. Cela rapprochera énormément les chercheurs des cliniques et les découvertes passeront plus vite du laboratoire aux essais cliniques. Personnellement, j’espère que ce nouveau bâtiment nous permettra d’investir dans de l’équipement pour rester à l’avant-garde de la recherche scientifique.


L’Hôpital d’Ottawa est un important hôpital universitaire d’enseignement et de recherche fièrement affilié à l’Université d’Ottawa.