La Dre Carolyn Nessim est chirurgienne oncologue à L’Hôpital d’Ottawa et chercheuse clinicienne à l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa. Avant son arrivée à notre hôpital en 2013, sa formation l’a amenée à Montréal, à Toronto et même à Melbourne, en Australie. Spécialiste des sarcomes des tissus mous, des mélanomes et des cancers gastriques, elle a également acquis de l’expertise dans divers autres domaines en collaborant avec d’autres chercheurs en plus de traiter des patients.

La Dre Nessim a aussi le sens du rythme. En 2018, elle faisait partie du petit groupe de médecins qui ont participé devant une salle comble de 800 personnes à la compétition Danse avec les stars de la médecine , un événement visant à récolter des fonds pour les soins aux patients et la recherche à notre hôpital.

Q: Quand avez-vous réalisé que vous vouliez devenir médecin? Comment êtes-vous devenue oncologue?

A: À partir de l’âge de sept ans, je rêvais de devenir médecin, comme si c’était ma vocation. Puis, dans la vingtaine, j’ai eu un problème de santé personnel et un très gentil médecin a calmé mes craintes par une simple conversation. Je me souviens de m’être dit : « Moi aussi, je veux faire cela pour les autres. » Déjà en deuxième année de résidence en chirurgie, je savais que je voulais me spécialiser en oncologie. J’étais fascinée par les tumeurs et les chirurgies complexes, ainsi que par les nouveaux traitements qui transformaient la lutte contre le cancer, mais j’étais surtout touchée par la relation qui se développe avec les patients et l’aspect très gratifiant de ce travail. On me demande souvent pourquoi j’ai choisi l’oncologie, car les gens se disent que cela doit être tellement triste. Au contraire – c’est un privilège. La chirurgie offre une chance de guérison aux patients et ceux-ci ont une confiance absolue en nous.

Q: Quelle est la chose la plus intéressante que vous avez apprise depuis que vous êtes chirurgienne oncologue?

A: Je crois que nous aidons même les patients que nous ne pouvons pas guérir en leur offrant notre soutien et notre empathie tandis qu’ils vivent une épreuve pénible. Personne ne vit éternellement, mais c’est notre manière de cheminer qui fait une différence, alors je crois en l’espoir et à la pensée positive.

Q: De quelles innovations en oncologie avez-vous été témoin depuis le début de votre carrière?

A: L’immunothérapie a révolutionné la lutte contre le cancer. Ce type de traitement renforce le système immunitaire pour combattre la maladie. Même s’il ne fonctionne pas contre tous les cancers, certains patients atteints d’un cancer métastatique qui décédaient auparavant en six mois ont désormais une espérance de vie de 5 à 10 ans et même plus. Il a fallu des décennies pour perfectionner l’immunothérapie et en 2018, elle a fait l’objet d’un prix Nobel.

Q: Quelles sont les réalisations prometteuses ou révolutionnaires de L’Hôpital d’Ottawa en oncologie?

A: J’ai effectué de la recherche translationnelle avec Michele Ardolino, Jean-Simon Diallo et Luc Sabourin à l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa pour mieux comprendre la génétique et la biologie des mélanomes et des sarcomes , ainsi que la réponse de ces tumeurs aux virus oncolytiques (qui combattent le cancer) ou les raisons de leur résistance à l’immunothérapie. Ces travaux sont prometteurs.

Q: Vous avez contribué à établir le diagnostic d’un phéochromocytome , une tumeur rare, chez Bryde Fresque. Pourquoi ce diagnostic a-t-il été difficile à établir?

A: Bryde avait eu une rupture spontanée qui avait causé un gros hématome. Sa tumeur était dissimulée sous cet hématome, donc invisible à l’examen d’imagerie. De plus, la plupart des phéochromocytomes libèrent de l’adrénaline, que l’on peut détecter à l’aide d’une analyse d’urine en 24 heures, mais la tumeur de Bryde était non fonctionnelle et les analyses étaient négatives. Ces facteurs ont grandement nui au diagnostic. Plus tard, un examen d’imagerie a révélé une masse et il fallait donc la retirer.

Q: La chirurgie requise pour traiter ce phéochromocytome rare était incroyablement complexe. Elle a duré 12 heures et nécessité l’intervention de nombreux spécialistes. Pouvez-vous expliquer pourquoi? 

A: La tumeur était plutôt grosse – elle faisait plus de 20 cm de diamètre – et il y avait beaucoup d’inflammation en raison du saignement. Elle était aussi rattachée à plusieurs organes, ce qui nécessitait une résection multiviscérale en bloc (le retrait d’organes qui se touchent). Cela demande du temps, car il faut disséquer très soigneusement de gros vaisseaux sanguins que l’on ne veut pas endommager. Nous avons retiré la tumeur de Bryde en bloc, avec son rein, sa glande suprarénale, sa rate et l’extrémité distale de son pancréas, ainsi que son côlon et son diaphragme, que nous avons reconstruits ensuite. La plupart des chirurgies pratiquées sur des sarcomes peuvent durer de 5 à 24 heures. Certaines durent encore plus longtemps – plus de 48 heures.

Q: Pourquoi les cancers rares, comme le phéochromocytome, sont-ils si difficiles à diagnostiquer et à traiter?

A: Les cancers rares sont difficiles à traiter et à diagnostiquer parce qu’il faut investir davantage dans la recherche. Aussi, plus un cancer est rare, moins il est facile de réaliser de vastes essais cliniques à répartition aléatoire, puisqu’il y a très peu de patients. Il faut collaborer davantage à l’échelle internationale pour étudier les cancers rares afin d’augmenter le nombre de patients et ainsi mieux comprendre ces maladies et la façon de les prendre en charge. Depuis dix ans, nous formons un partenariat international de recherche sur le sarcome, appelé « Trans-Atlantic Australasian Retroperitoneal Sarcoma Working Group » (Groupe de travail australasien transatlantique sur les sarcomes rétropéritonéaux), au sein duquel je suis présidente du comité d’évaluation de la recherche. Ce partenariat a eu une incidence énorme sur la recherche sur les sarcomes. Grâce aux experts du monde entier qui en font partie et qui conçoivent des études et des essais cliniques, la recherche dans ce domaine fera des pas de géant.

Q: Quel est l’aspect le plus gratifiant de votre travail de chirurgienne oncologue à L’Hôpital d’Ottawa?

A: Ma relation avec mes patients est ce que je préfère par-dessus tout. Leur force, leur motivation et leur humilité m’inspirent. Les accompagner, même pour une petite portion de leur parcours, est l’aspect le plus valorisant et gratifiant de mon métier. C’est ce qui me pousse à me lever chaque matin pour venir travailler.

Q: Selon vous, quelle est l’importance du soutien de la communauté pour l’avancement de la recherche sur le cancer?

C’est très important. Avec plus de sensibilisation et de soutien de la communauté, nous pourrions faire davantage de recherches et mieux étudier des maladies comme les cancers rares.

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